Le grand critique André Bazin a dit, du temps de l'âge d'or d'Hollywood : "Le western est le genre américain par excellence." Des trains, le désert, chapeaux à larges bords, fusils et regards glaçants, avec The Salvation, le western fait son retour au cinéma mercredi. Dans cette histoire, imaginée par le Danois Kristian Levring, à qui l'on doit Le roi est vivant, sorti en 2010, Mads Mikkelsen part en guerre contre les assassins de sa famille, dans l'ouest américain de 1871. Après True Grit, des frères Coen, Django Unchained, et le très attendu The Hateful Eight, de Quentin Tarantino, le western ne serait-il finalement pas un genre dépassé ? Europe 1 a posé la question à un historien du cinéma, Daniel Chocron.
Qu'est-ce qui caractérise un western ? Pour savoir si le genre est toujours très porteur, ou bien au contraire complètement dépassé, mieux vaut savoir de quoi on parle. "Le western est le premier genre de l'histoire du cinéma américain", précise Daniel Chocron. "Le premier western date de 1903 : "The great train robbery" (Le Vol du grand rapide ou L'Attaque du grand train, en français) a été réalisé par E.S. Porter", explique notre spécialiste. C'est après ce film que le western a établi ses règles peu à peu : "le conflit entre cowboys et indiens et la présence d'archétypes, dont le joueur de carte souvent tricheur, la prostituée au grand cœur, le médecin alcoolique et l'aventurier révolté, qui va accomplir une vengeance."
Le genre a beaucoup évolué… "En 1912, les Majors créent Hollywood, et le western passe d'un tournage en studio, à Fort Lee aux Etats-Unis, à un tournage en pleine nature", raconte Daniel Chocron. "Des réalisateurs comme Cecil B. DeMille et John Ford ont profondément marqué le genre", explique-t-il encore à Europe 1. "John Ford est un cinéaste très important parce qu'il est celui du rêve américain. Il a fait environ 130 films et près de la moitié sont des westerns. On peut même dire que c'est lui qui a rendu le western adulte avec La chevauchée fantastique et son acteur fétiche, John Wayne, en 1939.
Le tournage s'est déroulé dans la Monument Valley et le film répond point par point à toutes les règles du western" :
Les années 1945-1960 correspondent à l'âge d'or du western, avec quelques noms illustres : Howard Hawks, avec notamment La captive aux yeux claire avec Kirk Douglas et surtout Rio Bravo, en 1959.
Après les années 40, les réalisateurs vont passer des grands mythes américains (héros très virils, très héroïques) à des personnages plus humains, moins infaillibles.
…jusqu'à quasiment disparaître. "Après les années 60, le genre va disparaitre, comme celui de la comédie musicale", confie le spécialiste. "Ça veut dire qu'on passe de cent films produits par an, à quarante", précise Daniel Chocron, qui voit plusieurs raisons à cette brutale perte de vitesse : la télévision d'abord, qui prend le relais du cinéma, mais l'Amérique, surtout, a évolué. En 1965, la Guerre du Vietnam éclate. Le pays en a fini avec son rêve américain. Avec l'émergence de la contre-culture, la conquête de l'Ouest paraît plus lointaine et le western devient résolument désuet. L'Europe prend le relais, avec la naissance du western italien dit "western spaghetti", avec des films comme Le bon, la brute et le truand, ou Pour une poignée de dollars. L'époque voit aussi émerger le western allemand, mais le genre apparait comme dépassé.
Et le western contemporain alors ? Clint Eastwood prend la relève dans les années 70, à travers des films comme Josey Wales hors-la-loi, Bronco Billy et Impitoyable.
Impitoyable - Bande-annonce (Anglais sous-titré)par Davidsonr62Depuis, plusieurs réalisateurs se sont essayés au genre, des frères Coen et leur très beau No country for old men, ou encore True Grit, à Quentin Tarantino, avec Django, et son prochain film, également un western, The Hateful Eight. On a vu aussi The Homesman, de Tommy Lee Jones, avec Hilary Swank, au dernier festival de Cannes. "Mais très souvent, ce sont en réalité des remakes", rectifie notre spécialiste, "ce qui prouve la difficulté des réalisateurs à trouver de bons scénarios de westerns." Les westerns modernes sont souvent transposés, comme le Django Unchained de Quentin tarantino, "qui n'est autre qu'un remake de Django de 1966 avec Franco Nero", explique Daniel Chocron. Mais Tarantino transpose l'histoire dans l'Amérique esclavagiste. "Il fait du personnage principal un Noir dans un film qu'il veut anti raciste. Il est aussi plus proche du western spaghetti à cause de la violence et de l'exubérance des personnages qu'il met en scène car ce sont des ingrédients qui n'existent pas dans le western américain."
Il reste du western, l'histoire de la vengeance. "Aujourd'hui' dans les westerns il n'y a pratiquement plus d'indiens parce que ça ne veut plus rien dire pour nous aujourd'hui", souligne Daniel Chocron. "Finalement le western se cantonne à l'histoire de vengeance, qui reste la part du western qu'on peut reprendre. Les films sont davantage devenus des hommages, adaptés au cinéma contemporain", précise le spécialiste.
Si le western "ne renaît pas de ses cendres", d'après Daniel Chocron, le genre continue malgré tout de plaire. Pourquoi ? "On aime par-dessus tout les images des grands espaces, les poursuites et l'aspect road movie". Irremplaçable.