10 ans et toujours aussi nuls ? Pas si sûr. Taxés de vendeurs de culture de supermarché par ses détracteurs, le pari était loin d’être gagné pour la collection Pour les nuls lorsque le premier tome est sorti en 2001. Qu'importe les dires, avec 12 millions d'exemplaires vendus en dix ans, la série est parvenue à s'imposer dans l'univers exigeant des livres du savoir. Retour sur la recette d’une réussite : entre coup marketing et contenu éditorial :
Un nom : nuls, c’est mieux qu’abrutis. Vincent Barbare, président des éditions First-Gründ, s’est lancé dans l’édition des livres Pour les nuls après avoir repéré la collection aux Etats-Unis à la fin des années quatre-vingt dix. Outre-Atlantique, elle était intitulée "for dummies", pour les abrutis, en français. Lancée en 1991 aux Etats-Unis, la collection s’était vite imposée comme une référence dans le domaine de l’informatique. "Nous avons acheté la licence pour lancer la série en France", raconte-t-il. "Après réflexion nous avons choisi le terme "nuls" plutôt qu’"abrutis" que nous trouvions plus doux", ajoute-t-il, soulignant le côté déculpabilisant du titre. "Etre nul c’est une expression qu’on assume, qui a un côté sympathique", analyse-t-il. Mais le titre des livres a aussi été choisi pour coller à l’air du temps. Lors du lancement du premier tome, la bande des Nuls d’Alain Chabat et Dominique Farrugia faisait alors un tabac sur Canal +.
Des couleurs : des repères, toujours des repères. Du jaune et du noir. Cela peut paraître simple (et ça l’est), mais ces deux couleurs sont devenues la marque de fabrique des livres Pour les nuls. "Les lecteurs ont besoin de repères et la couverture en est un", argue Vincent Barbare. "Il en va de même pour la composition des livres qui est toujours la même, avec le même découpage, la même présentation et surtout le même ton !", ajoute-t-il. Un ton décontracté, humoristique, à travers lequel "l’auteur n’hésite pas à interpeller son lecteur". "Mais derrière cet aspect léger on trouve des ouvrages fouillés et sérieux écrits par les spécialités de leur domaine", précise Vincent Barbare. L'ONU pour les nuls a été écrit par l'ancien fonctionnaire des Nations-Unies et économiste Yves Berthelot, L'islam pour les nuls par l'anthropologue des religions et philosophe algérien Malek Chebel.
Un rythme : zapper, mais prendre le temps. L’une des clefs du succès de la collection, mais aussi de ses concurrents, se résume à jouer sur les différents niveaux de lecture. Des chapitres sur plusieurs pages, mais aussi des encadrés, des quizz, des illustrations qui permettent au lecteur de prendre son temps s’il en a envie ou au contraire de sauter d’un sujet à l’autre comme bon lui semble. "L’idée est de pouvoir se sentir moins idiot soit en ayant lu tout le livre, soit en ayant appris une petite information en lisant un encadré", explique Vincent Barbare.
Du choix : être nul dans tous les domaines. Se calquant sur le modèle américain, les éditions françaises ont lancé le premier livre des Nuls sur l’informatique avant de diversifier leurs thématiques. Aujourd’hui, les éditions sortent 100 titres par ans. Le lecteur peut se permettre d’être nul dans presque tous les domaines : de la comptabilité à l’harmonica en passant par l’hébreu. Jusqu’à présent, c’est l’histoire de France qui a pris la tête des ventes sur les 10 dernières années avec 800.000 exemplaires vendus. Arrivent ensuite, la culture générale, la philosophie et la guitare.
Surfant sur le succès de leur collection depuis 10 ans, les éditions ont commencé à décliner leur concept dans des formats différents (poche, prestige), mais elles innovent en exploitant le filon jusqu'au bout. Un jeu de société Pour les nuls, mélange du Trivial pursuit et du Cluedo, sortira fin 2011.