Egotrip et joutes verbales. Des punchlines au vers enflammés, de la lyre au beat-box, troubadours médiévaux et rappeurs actuels se ressemblent à plus d’un titre. Par leur sens du rythme très développé d’abord, mais surtout par leur "très grande facilité à faire de la poésie orale", souligne Frédéric Billiet, professeur de musique médiévale. A cette faculté de s’exprimer aisément à l’oral s’ajoute un autre point commun : l’intérêt porté par les troubadours au langage vernaculaire, aux expressions populaires, loin des canons académiques du latin, langue officielle à l’époque. Au Moyen-Âge comme aujourd’hui, troubadours et rappeurs donnent leurs lettres de noblesse a des expressions absentes de la littérature classique.
Art contestataire. Aux banquets des seigneurs comme sur les scènes des salles de concerts, trouvères et MC’s développent le même art contestataire ? L’article du site lerapenfrance cite notamment le cas des "Siventès", un genre musical qui "dénonce les injustices et critique les puissants". La dimension contestataire de la musique était d’autant plus prégnante au Moyen-Âge que l’art se transmettait exclusivement à l’oral parmi les classes populaires, largement illettrées. De quoi tordre le cou à l’idée établie selon laquelle le rap français est né seulement grâce à l’émergence de ce genre musical aux Etats-Unis.
Du partimen au clash. Au Moyen-Âge se développe également le "partimen", genre musical qui se rapproche beaucoup des joutes d’improvisation verbale qui opposent les rappeurs (le clash ou la battle). Les poètes s’affrontaient lors des partimen, le premier lançant un thème de débat chanté. Le second improvisait ensuite sur le sujet, le troisième doit enchaînant alors en respectant la mélodie engagée.
Egotrip et préfaces. De la même façon, les egotrips des rappeurs, ces textes destinés à se mettre en valeur, souvent au deuxième degré, peuvent se retrouver dans les préfaces des recueils de poèmes du Moyen-Âge. Lerapenfrance site les premières lignes du roman de Thèbes qui illustre bien ce parallèle : "qu’ils se taisent tous ceux de ma profession (…) ils sont tous aussi capables de m’écouter qu’un âne de jouer de la harpe".