Mano Solo s'en est allé. C'est sur un forum de fans que la nouvelle a été annoncée dimanche après-midi. C'est sous le pseudonyme Isamona, rappelant le patronyme de sa mère Isabelle Monin, dans un message posté sur le forum du site officiel du musicien, qu'on a appris sa mort. "Il ne viendra plus. Il ne viendra plus nous invectiver. Il ne viendra plus nous encourager. Il ne viendra plus nous donner tout ce qu'il avait : son talent, sa force, son élan, sa générosité. Il ne viendra plus le raoul, l'incomparable Mano Solo. Il ne me dira plus "Isabelle je t'aime"… Mon petit Mano." La rumeur s'est ensuite propagée sur Twitter avant d'être confirmée officiellement par la famille.
Le chanteur, malade du Sida, s'est éteint à l'âge de 46 ans des suites de plusieurs anévrismes. Il avait été hospitalisé après son dernier concert à l'Olympia à Paris, le 12 novembre. "Il a lutté courageusement pendant deux mois et jusqu'au bout contre plusieurs anévrismes", a indiqué sa famille.
Né à Châlons-sur-Marne, Emmanuel Cabut, de son vrai nom, était le fils du dessinateur Cabu et d'Isabelle Monin, co-fondatrice du magazine consacré à l'écologie, La Gueule ouverte. Après une adolescence rebelle et tourmentée, marquée par la culture punk et la drogue, Mano Solo s'était lancé dans la musique, d'abord en groupe, puis seul.
Dès la sortie de son premier album La Marmaille nue, en 1993, Mano Solo s''est imposé comme un poète sur la scène française, n'hésitant pas à dire sa douleur dans ses chansons ni à aborder les thèmes sociaux les plus durs. Il a vendu plus de 100.000 exemplaires de cet album. Le succès est également au rendez-vous pour Les années sombres, en 1995. Artiste engagé et reconnu, il avait sorti en 1997 un nouvel album solo intitulé Je sais pas trop, devenu disque d'or. Il en a remporté deux autres.
En 2006, il avait rompu son contrat avec la maison de disques Warner et avait décidé de s'autoproduire. Son dernier album Rentrer au port était sorti le 28 septembre dernier, en licence chez Wagram.
Lors d'un concert au Bataclan, en 1995, Mano Solo avait annoncé "je ne suis plus séropositif, mais j'ai le Sida". Il était depuis de nombreuses années sous trithérapie. Dans une interview au Nouvel Observateur en 1997, Mano Soloévoquait sa maladie : "L'ambiguïté, c'est que j'ai toujours cru être blindé. Tu sais que tu vas mourir, mais tant que tu es en bonne santé tu ne te rends pas compte de ce que c'est. Il faut être dans un lit sans plus pouvoir bouger, et que les gens pleurent autour."
Dans cette vidéo, Mano Solo chante La vie c'est pas du gâteau, dans laquelle il parle du Sida :
Sur une des pages Facebook consacrées au chanteur, les fans réagissent en nombre. "Merci pour tout Mano... Nous marchons seuls maintenant...", écrit ainsi Pauline. "Putain, c'est fini, il s'est barré le con...", réagit Elodie.
Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, lui a rendu hommage dimanche soir. "La mort, il la chantait, il en parlait, elle a fini par l'emporter", écrit dans un communiqué le ministre, pour qui Mano Solo, à travers ses albums, "incarnait les cultures du monde et une certaine idée de liberté". "Artiste engagé, il nous laissera le souvenir d'une voix cassée, déchirante, reconnaissable entre toutes, et plus que tout, inoubliable", a ajouté Frédéric Mitterrand.
Jean-Luc Romero, ancien secrétaire national de l'UMP et président d'Elus locaux contre le Sida, a également rendu hommage à Mano Solo. "Notre combat perd une de ses grandes voix", a-t-il déclaré. Il a souligné son courage de ne jamais avoir caché sa maladie : "En octobre 1995, lors d'un concert au Bataclan Manu Solo n'hésitait pas à évoquer, avec courage et très pudiquement, l'évolution de son état de santé. C'est une grosse émotion d'apprendre le décès de ce chanteur engagé pour le survivant du sida que je suis."
Europe 1 lui a rendu hommage et a diffusé dimanche soir dès 23 heures une des chansons qu'il avait chantées en live dans On connaît la musique au mois d'octobre dernier. Pour l'écouter, cliquez ici.
> Mano Solo était l'invité de Dominique Souchier le 27 septembre dernier, sur Europe 1. Réécoutez son interview.