Après Trois hommes et un couffin, La Crise ou encore Chaos, Coline Serreau a installé ses caméra dans des stages de récupération de points du permis de conduire. Une expérience qu’elle a elle-même vécue, huit ans avant le film, précise-t-elle. Dans ce film-documentaire, Tout est permis, elle montre " toute la société française." Et ceux qui viennent suivre ces stages s’y rendent toujours à reculons. Ça leur coûte cher, ça les ennuie et ils sont contraints. Pourtant, confie la réalisatrice à Europe 1, très souvent ils en sortent très transformés. Tout est permis, qui sort mercredi sur les écrans, nous emmène du déni général à la prise de conscience.
Mauvaise foi. "Moi je ne téléphone pas, je réponds seulement aux appels." Cet argument, d’une mauvaise foi qui fait presque rire, n’est qu’un exemple des petites phrases chocs qu’on entend dans le documentaire de Coline Serreau, Tout est permis. Au début du stage, le message est souvent le même : "Je ne sais pas pourquoi je suis là, oui j’ai perdu des points mais les autres sont beaucoup plus dangereux que moi."
La bande-annonce, déjà, est éloquente :
Les plus âgés trouvent que les jeunes conduisent comme des bœufs, les jeunes trouvent que les seniors n’avancent pas et qu’il faudrait qu’ils aillent chez le médecin, les femmes seraient dangereuses, alors que les chiffres montrent qu’elles n’ont pratiquement pas d’accident. C’est le refus de comprendre les enjeux de l’autre, explique la réalisatrice. Parfois on est piéton, parfois on est conducteur, mais quand on est au volant, tous les autres sont des crétins.
Mieux qu’une fiction. Je n’aurais jamais pu inventer les répliques qui sont dans le film, sourit-elle. Et en effet, les gens interrogés font preuve d’une remarquable inconscience à l’écran. "Et si je les avais inventé, on m’aurait dit Coline, tu pousses le bouchon". La réalisatrice insiste sur la forme du documentaire : "Tout ce qu’on entend dans le film est vrai, et issu de la vie, de la diversité et de l’imprévisibilité de l’être humain."
Prise de conscience, en douceur. On rit quand on est extérieur et qu’on voit le film. "Les gens sont pliés par terre de rire même. Et puis tout à coup on se voit faire la même chose qu’à l’écran. On se dit, mais moi j’ai dit ça, j’ai été celui-là." Le film montre donc "la transformation qui s’opère en douceur." Coline Serreau n’a pas voulu faire un film dramatique. Exit donc les images chocs, ou les images d’accidents. Les mots suffisent à la prise de conscience. Parfois, ce sont ceux de personnes handicapées à vie. "Je voulais que les mots mort ou blessé soient incarnés, que ce ne soit pas juste des chiffres." Dans ces stages, on essaye de nous faire comprendre "la fragilité de notre perception humaine", explique-t-elle. "Il y a un tour de table qui est passionnant, où les gens se livrent sur ce qu’ils sont. Le stage nous guide tout doucement vers un changement de regard sur les autres, puis de comportement, mais sans culpabilisation. C’est quand-même une expérience que les gens aiment beaucoup je crois."
Toujours plus vite. "Aujourd’hui, dans les vies professionnelles, il y a un impératif de rendement que les gens transposent ensuite dans leur voiture " raconte la réalisatrice. "Comme c’est tout un système qui fonctionne comme ça, beaucoup de gens sont aujourd’hui obligés de téléphoner dans leur voiture. Parce qu’elle est devenue leur bureau. Et ils mettent leur vie en danger ".
Avec Tout est permis, Coline Serreau espère, sinon les changer, au moins contribuer au changement des mentalités. Et quand on sort… on roule moins vite.
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