Un univers désenchanté et une musique indémodable. En 1979, la comédie musicale Starmania était jouée pour la première fois à Paris. Les spectateurs découvraient alors un opéra rock futuriste imaginé par Michel Berger et Luc Plamondon, l'histoire d'une bande de jeunes idéalistes qui luttent contre le pouvoir et l'argent. Quarante ans plus tard, la comédie musicale qui a vu émerger Daniel Balavoine n'a pas pris une ride. Mardi, au micro de Wendy Bouchard, dans Le Tour de la question, sur Europe 1, la chanteuse Fabienne Thibeault, première interprète du personnage de Marie-Jeanne, et les journalistes David Abiker et François Alquier analysent le succès de cette comédie musicale et livrent plusieurs anecdotes.
La première version de Starmania n'a jamais été filmée
Trente-trois représentations et pas une seule captation. La première version de Starmania, jouée en 1979 au Palais des Congrès de Paris, avec dans les rôles titres Daniel Balavoine, Diane Dufresne, France Gall et Fabienne Thibeault, n'a jamais été filmée. Elle n'est disponible que dans la mémoire des spectateurs de l'époque. "Il y a eu une sorte de captation vidéo mais elle a été tournée… dans le noir", précise Fabienne Thibeault, première interprète de Marie-Jeanne, la serveuse automate. "Il s'agissait seulement de garder une trace de la succession des scènes." Il n'existe qu'un album live.
C'est ce qui fait la magie de Starmania, estime le journaliste David Abiker, qui signe la préface du livre de Fabienne Thibeault, Mon Starmania, par la première serveuse automate*. "C'est l'une des raisons pour laquelle cette comédie musicale est culte."
Des références dans les noms et les situations des personnages
Johnny Rockfort, Stella Spotlight, Cristal… Chacun des noms des personnages de Starmania fait référence à quelque chose ou à un événement en particulier. "Marie-Jeanne faisait évidemment référence à la marijuana", rappelle Fabienne Thibeault, qui, à l'époque, portait les cheveux longs et les sabots caractéristiques des babas cool. "Johnny Rockfort, c'est une petite allusion au fromage et au fait qu'au départ, le producteur souhaitait avoir Johnny Hallyday dans le rôle du loubard", précise la chanteuse. Il sera joué finalement par Daniel Balavoine. Quant à Ziggy, il fait référence au chanteur David Bowie, dont l'un des personnages fictifs s’appelait Ziggy Stardust.
Certaines scènes se sont également inspirées d'événements de l'époque, comme le rapt d'une jeune femme commis par Johnny Rockfort. Sa victime finira par tomber amoureuse de lui. "L'inspiration première de cette histoire dans l'histoire, c'est Patricia Hearst", explique Fabienne Thibeault. En 1974, cette fille d'un magnat de la presse avait été enlevée par un groupe terroriste d'extrême gauche américain. Et finira par participer aux actions de ses ravisseurs.
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Jamais une comédie musicale n'a produit autant de tubes
Le monde est stone, Quand on arrive en ville, Le Blues du businessman, Un garçon pas comme les autres, SOS d'un terrien en détresse… Jamais une comédie musicale n'avait produit autant de tubes en un seul album, assurent les invités de Wendy Bouchard. "C'est un phénomène mondial", précise François Alquier, journaliste auteur de L'aventure Starmania**, qui précise que dix chansons issues de cet album produit en 1978 sont devenus des tubes.
"Et elles l'ont fait avec des paroles qui dérangent", note par ailleurs David Abiker. "Il faut écrire et faire chanter à Diane Dufresne ce texte : 'J'ai peur de devenir folle, toutes les nuits, je rêve qu'on m'viole, moi qui suis sage, comme une image, une image divine qu'on adore et qu'on adule, une image de magazine, sur qui on éjacule'." " Il faut la placer celle-là", insiste le journaliste. "Toutes les chansons sont un peu dérangeantes, ce sont des chansons coup de poing et cela en a fait un succès populaire."
Les femmes avaient le beau rôle
Starmania, c'est aussi une oeuvre moderne avant l'heure. Un spectacle dans lequel les femmes ont le beau rôle. "On retrouve Daniel Balavoine d'un côté, dans le rôle de Johnny Rockfort, mais de l'autre côté, Diane Dusfrene, France Gall, Nanette Workman et Fabienne Thibeault se taillent la part du lion. Elles ont les plus belles chansons, elles sont inspiratrices, muses et à la fois actrices car elles ont un rôle qui font avancer l'histoire. Cette façon de distribuer les rôles était inédite à l'époque. Ce ne sont pas des potiches, pas des princesses. C'est incroyable comme cette comédie musicale a vu juste avant l'heure et nous parle de la société d'aujourd'hui", ajoute le journaliste.
Marie-Jeanne, interprétée en 1979 par Fabienne Thibeault, fait l'interface avec le public. "La serveuse automate, c'est nous. C'est elle qui s'ennuie derrière son bar, c'est elle qui perçoit l'époque. Elle est amoureuse de Ziggy, le marchand de disques qui ne veut pas d'elle, c'est Bridget Jones avant l'heure", estime David Abiker. "Tout le monde se retrouvait dans ce personnage et la jeunesse de l'époque notamment", complète François Alquier. "Et la jeunesse d'aujourd'hui peut s'y retrouver aussi."
Maurane n'a pas aimé jouer dans Starmania
Après Fabienne Thibeault, plusieurs chanteuses ont repris le rôle de Marie-Jeanne et notamment Maurane, en 1988. Un rôle qu'elle n'a pas aimé jouer, rappelle le journaliste François Alquier. "Elle a tenu huit mois et un soir, elle a tourné les talons. La représentation a dû être annulée. L'équipe s'est inquiétée. Ils l'ont finalement retrouvée chez elle. Elle avait pris des médicaments pour dormir. Et elle a récidivé deux semaines après et ils ont alors dit : 'On arrête pour Maurane'", détaille-t-il.
À l'époque, la chanteuse belge avait expliqué qu'elle trouvait ce rôle trop noir, trop bouleversant. "C'est vrai. Mais elle était également épuisée, en sorte de burn-out", pointe le spécialiste. "À cette même époque, elle sortait son album et elle en faisait la promotion. Elle faisait une sorte dépression."
*Fabienne Thibeault, Mon Starmania, par la première serveuse automate, Pygmalion, 224 pages, 19,90 euros.
**François Alquier, L'aventure Starmania, Hors collection, 168 pages, 24,90 euros.