Période de rentrée littéraire oblige, les libraires ont reçu une avalanche de romans. Parmi les centaines de nouveaux titres, ils ont extrait leurs pépites. Cette semaine, Christophe Daniel de la librairie "La 25e heure" à Paris, et Anna Schulmann, de la librairie "L'écriture" à Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine, ont dévoilé leurs choix, dans La voix est livre, animée par Nicolas Carreau, le samedi de 15 heures à 16 heures.
Un astronaute en Bohême, de Jaroslav Kalfar chez Calmann-Levi
"C'est un premier roman écrit à 25 ans. On est en 2018, un astronaute tchèque est envoyé dans l'espace. Il vient de se faire quitter par sa femme. Ça commence comme une comédie mais c'est en fait bouleversant. Ces longs mois de quasi solitude vont être propices à revisiter son enfance, sa jeunesse, avec l'ombre de son père qui plane là-dessus, puisque son père faisait partie de la police secrète du parti jusqu'à la révolution de velours en 1989 à Prague. C'est magnifique, délicat, très fort. Ce sont les souvenirs vraiment bouleversants d'un enfant, d'un jeune homme. C'est un voyage : on quitte la Terre mais pour aller au profond de l'histoire intime d'un homme et de son pays." (Anna Schulmann).
Cox ou la course du temps, de Christoph Ransmayr chez Albin Michel
"On est dans la Chine du XVIIIe siècle où règne l'empereur Quianlong sur une cour qui s'empresse de satisfaire ses moindres caprices. Cet empereur a une passion : les horloges, les pendules les plus sophistiquées, les automates. C'est un livre autour du temps, et le temps ici, c'est autant tous ces sujets qui lui obéissent au doigt et à l’œil et le temps qui lui résiste. Il va alors faire appel à Alistair Cox, un spécialiste qui vit en Angleterre. Il le fait venir à la cour de Pékin pour le charger de construire une horloge improbable qui pourrait mesurer le ressenti du temps pour chacun, que l'on soit un condamné à mort vivant ses dernières heures, un enfant avec l'avenir devant lui ou des amants - bref, le temps relatif. Tout oppose les deux hommes, leur statut, leur culture, leur histoire, mais ils se rejoignent dans cette obsession du temps.
C'est un livre d'une écriture somptueuse, aussi bien pour l'histoire que pour le style. Il faut rendre hommage au traducteur, Bernard Kreiss. C'est à la foi un récit initiatique, un conte philosophique et un roman historique. Quelles que soient les attentes, on y trouve du plaisir." (Christophe Daniel).
Jusqu'à la bête, de Timothée Demeillers aux éditions Asphalte
"C'est l'histoire d'Erwan qui travaille dans un abattoir dans la banlieue d'Angers. Tous les jours, il retrouve un froid, une odeur et un bruit qui sont terribles, le bruit des crochets auxquels sont attachés les carcasses qui se baladent sur les rails. Il est dans cette routine assez déshumanisante quand le temps d'un été, Laetitia arrive pour travailler, faire des brochettes, etc. Erwan se sent de nouveau humain.
Car au début du livre, Erwan est en prison à cause de "l'événement". Cet événement, on ne sait pas ce que c'est. On va le découvrir tout au long du roman. C'est un livre qu'on ne lâche pas parce qu'on a envie de savoir quel est cet événement, mais surtout, on est envoûté par la langue et par les bruits qu'on perçoit, ces "clacs" de la chaîne. C'est glaçant et en même temps, on se laisse embarquer. C'est aussi très juste sur une réalité sociale sur la France d'aujourd'hui, sans concession et sans aucun faux pas." (Anna Schulmann).