Période de rentrée littéraire oblige, les libraires ont reçu une avalanche de romans. Parmi les centaines de nouveaux titres, ils ont extrait leurs pépites. Cette semaine, Anaïs Ballin de la librairie "L’Ecriture" à Vaucresson dans les Hauts-de-Seine et Stanislas Rigot, de la librairie "Lamartine" à Paris, ont dévoilé leurs choix, dans La voix est livre, animée par Nicolas Carreau, le samedi de 15h à 16h.
Ces rêves qu'on piétine, de Sébastien Spitzer aux éditions de l’Observatoire
"C'est la première rentrée de cet éditeur, qui fait une très bonne première rentrée. On est en pleine Seconde Guerre mondiale. On va croiser deux narrations : celle d'une petite fille, Ava, 4 ans, qui sort des camps de concentration avec quelques personnages autour d'elle. On est au moment de la libération des camps et c'est l'histoire des grands chemins, des routes, où ils essayent de survivre comme ils peuvent. Cette petite fille porte avec elle un rouleau où est inscrite la mémoire des camps. Des déportés, familles, enfants, parents, l'ont écrit. L'autre personnage qu'on va rencontrer, c'est Magda Goebbels, femme de. Tout va se croiser dans l'histoire entre ces deux personnages. On va comprendre assez vite pourquoi. Il s'avère que Magda Goebbels a été élevée par un père juif qui est décédé dans les camps de concentration. Au milieu de ces deux histoires, il y a un travail de recherche et de documentation incroyable. L'auteur est journaliste et historien, donc ça s'explique, mais il nous emmène. C'est inclassable et pour un premier roman, c'est fou." (Anaïs Ballin).
"On guette d'ailleurs les premières listes des prix qui devraient arriver cette semaine. C'est un roman qui pourrait tirer son épingle du jeu." (Stanislas Rigot).
Mischling, d'Affinity K chez Acte Sud
"C'est un roman étranger qui sort cette semaine et dont on n'a pour le moment très peu parlé. C'est formidable. Il s'agit du destin de jumelles de 12 ans qui arrivent début 1944 à Auschwitz chez Mengele (médecin du camp qui pratiqua des expériences sur les détenus, l'un des "médecins de la mort", ndlr.). Une fois qu'on a dit ça, pour vendre le livre, il faut être très doué, mais laissez-moi encore deux secondes : ce sont les jumelles qui racontent à tour de rôle l'histoire. Elles ont une vision de la chose qui mélange une poésie, une fantaisie - même si c'est tragique, même si c'est affreux - et qui porte ce texte. C'est un étrange croisement entre le premier Jonathan Safran Foer, Tout est illuminé, qui avait été un choc il y a quelques années, et le Anthony Doerr, Toute la lumière que nous ne pouvons voir, qui a été un triomphe en librairie l'année dernière. C'est une relecture, au travers du destin d'enfants, d'un événement absolument affreux. C'est lumineux, c'est beau. On pleure à chaudes larmes une paire de fois. Mais quel beau livre !" (Stanislas Rigot).
Les buveurs de lumière, de Jenni Fagan chez Métayer
"On est dans un récit d'anticipation. En 2020, en Ecosse, il semblerait qu'on entre dans une ère glaciaire. Quand on a fait la rentrée littéraire, la libraire qui l'a présenté avait dit 'Si l'Apocalypse c'est ça, alors allons-y'. C'est cette phrase qui m'a donné envie de le lire. C'est extrêmement beau. L'atmosphère est complètement glaciale, on est avec des personnages cabossés, abîmés par la vie mais qui sont d'une humanité et d'une beauté hallucinantes. L'écriture est audacieuse, le rythme est maîtrisé. Il se passe tout un truc autour des paysages, parce qu'il y a des espèces de forêts de glace, des aurores boréales, c'est splendide. Je l'ai dévoré, il ne faut absolument pas le rater." (Anaïs Ballin).
Légende d'un dormeur éveillé, de Gaëlle Nohant chez Héloïse d'Ormesson
"Gaëlle Nohant avait fait un très gros carton avec son précédent livre qui s'appelait La part des flammes. C'était un formidable roman historique qui se passait à Paris à la fin du XIXe. Là, elle revient autour de la figure du poète Robert Desnos. Je ne connaissais ni la vie ni l'oeuvre de Robert Desnos. C'est une promenade dans la vie de cet homme, de la fin des années 1920 à sa mort. C'est servi par une écriture magnifique. Gaëlle Nohant perce son texte de beaucoup de citations des poésies sublimes de Robert Desnos qui agissent comme un espèce de cœur dans son livre. Résultat : vous avez un roman qui n'est pas du tout biographique et qui, en même temps, raconte la vie de l'auteure, un roman qui n'est pas du tout historique et qui en même temps raconte l'époque. C'est très original. Vous terminez, vous avez envie de lire l'intégrale de Robert Desnos et de courir dans les rues de Paris." (Stanislas Rigot).
A redécouvrir pour prolonger l'été...
"Avec le retour de vacances on a un phénomène que l'on retrouve chaque année : le retour des coups de cœur. On a de nouveau dans les meilleures ventes des titres qui ont cartonné cet été parce que les gens reviennent, en parlent à leur famille et à leurs amis. Ainsi, on a le délicieux Looping d'Alexia Stresi aux éditions Stock qui a été un très beau succès à la librairie en juillet août et qui est remonté dans les meilleures ventes. Ce qui veut dire qu'on l'avait beaucoup vendu, mais que les gens l'ont beaucoup lu et beaucoup aimé, donc ils en parlent. C'est l'histoire d'une femme que l'on va suivre toute sa vie en Italie. On commence au début du XXe, elle naît dans une famille extrêmement pauvre. Elle va avoir un destin fulgurant. C'est raconté avec un charme fou. Si vous voulez prolonger l'été, c'est ce qu'il faut lire." (Stanislas Rigot).