"C'était une nécessité de retraduire Tom Sawyer et Huckleberry Finn"
La maison d'éditions Tristam vient de publier une nouvelle traduction des œuvres emblématiques de l'écrivain Mark Twain : Tom Sawyer et Huckleberry Finn. Avec comme impératif de coller au plus près à l'argot employé par l'Américain.
Tom Sawyer est paru en 1876, Les Aventures de Huckleberry Finn en 1884. Ces deux romans, écrits par l'Américain Mark Twain, ont marqué des générations d'enfants et d'adolescents dans le monde entier. "Ce sont d'extraordinaires et merveilleux livres d'aventures. C'est tellement captivant, fascinant, neuf, amusant, détonnant…", s'enthousiasme Jean-Hubert Gaillot, éditeur chez Tristram, dans La Voix est livre sur Europe 1 , samedi. La maison d'édition vient de publier une nouvelle traduction des deux œuvres, pour coller au mieux à l'oralité de l'écriture de Mark Twain.
La naissance de l'écriture orale. "C'était une nécessité de les retraduire car le lecteur français, non anglophone, ne pouvait certainement pas comprendre pourquoi ces romans étaient considérés par les plus grands écrivains comme l'acte de naissance de la littérature américaine", avance Jean-Hubert Gaillot. "Pour la première fois dans la vie littéraire, Mark Twain a utilisé l'oralité, la manière dont les gens, les gamins, parlent réellement dans la vie", et notamment l'argot du Mississippi, souligne l'éditeur.
Une traduction originelle imparfaite. Or, la traduction française des deux romans n'a pas respecté scrupuleusement le style de l'écrivain. "Les traducteurs français, répugnant sans doute à écrire du mauvais français, ont raconté l'histoire avec beaucoup de passé simple et d'imparfait du subjonctif, du début jusqu'à la fin. Ça donnait un texte ralenti, guindé, qui perdait une grande partie de son énergie, de sa drôlerie, de sa verve et de son inventivité verbale", explique-t-il.
Le mot "nègre" employé. Dans Tom Sawyer et Huckleberry Finn, Mark Twain utilise à de très nombreuses reprises le mot "nègre", communément et tristement employé au 19ème siècle. C'est la raison pour laquelle plusieurs écoles américaines ont banni les deux livres de leur bibliothèque. "On considère que c'est offensant, ce qui peut parfaitement se comprendre de la part des élèves concernés, mais on est en même temps face à un contresens historique dramatique. C'est comme cela qu'on parlait à l'époque", défend Jean-Hubert Gaillot.
"Privilégier la fidélité aux œuvres". L'éditeur a donc fait le choix, pour la nouvelle traduction des deux ouvrages, de conserver le mot "nègre". "Evidemment, on peut imaginer une traduction expurgée. Mais l'étape suivante, c'est quoi ? Supprimer une scène du livre ? Dans ce cas, on réécrit toute la littérature, et c'est sans fin", s'agace-t-il, considérant qu'il est "plus important de privilégier la fidélité absolue, rigoureuse et intelligente aux œuvres, quitte à fournir toutes les explications nécessaires pour qu'il n'y ait pas de malentendus sur les intentions des uns et des autres."
Comme d'autres critiques littéraires avant lui, Jean-Hubert Gaillot décrit le roman Huckleberry Finn comme "l'acte de naissance de l'antiracisme dans la conscience littéraire des Etats-Unis". Cette polémique est donc, selon lui, "platement sémantique."