Quand on demande à Albert Dupontel qui sont les icônes de sa vie, la première citée a de quoi surprendre. "La peur de vivre est une icône qui m'a fait foutre le camp de mon insertion sociale pour aller faire le guignol", répond l'acteur et réalisateur au micro de Michel Denisot, sur Europe 1. Jeune, Albert Dupontel se destinait à des études de médecine, avant de bifurquer vers le cinéma. Aujourd'hui, son septième film, Adieu les cons, s'apprête à connaître une seconde vie en ressortant mercredi prochain, à la faveur de la réouverture des salles.
Outre cette peur de vivre, le cinéaste évoque deux figures tutélaires : celles de Terry Gilliam, membre du groupe comique britannique Monty Python, et de Charlie Chaplin. "Terry Gilliam est l'un de ceux qui m'ont le plus marqués", raconte-t-il. "Quand son film Brazil est sorti, j'avais 20 ans et j'ai dû le voir trois fois dans la semaine. Il y avait dedans tous mes cauchemars et tous mes rêves. Je trouvais ça formidable parce que Terry Gilliam est un Monty Python, donc a priori un guignol -je précise que c'est très positif dans ma bouche- et j'étais esbaudi de la virtuosité, de l'émotion, du discours, de la vision. C'est l'un des films fondateurs de cette époque."
"La difficulté de s'aimer dans un monde répressif et anxiogène"
On y retrouve, selon Albert Dupontel, un thème commun avec Adieu les cons, "la difficulté de s'aimer dans un monde répressif et anxiogène". Au point que le réalisateur français estime que son film est "un dommage collatéral de Brazil".
Quant à Charlie Chaplin, "c'est un classique", tranche le cinéaste. "À peine le cinéma a été inventé que certains ont posé les codes dramatiques avec la caméra. Lui le premier, grand comique, a osé le drame dans sa comédie. Il a posé les raisons pour lesquelles les gens cherchent à vivre." Un territoire qu'Albert Dupontel explore également dans son cinéma, en passant "par le registre de la fable".
Car chez lui, admet-il, "l'écriture est [un processus] pénible, laborieux, anxiogène". En travaillant sur un film, le réalisateur a "plus l'idée des émotions" qu'il veut transmettre "que celle de la structure"." Il faut que l'intrigue et les personnages se mélangent astucieusement. C'est ce que faisait Chaplin."
"Je préfère les fables"
Cette difficulté à accoucher d'un scénario explique peut-être pourquoi Adieu les cons n'est que son septième film. "Les gens très prolixes, comme Woody Allen, sont de vrais auteurs. Moi, j'ai une idée d'émotion et je cherche à la restituer à travers une intrigue. Je suis aidé par la caméra, les acteurs, la musique, la lumière." D'où un cinéma de l'évocation et non ultra-réaliste. "Vous pouvez faire le choix de restituer la réalité, cela peut être frontal ou brutal, comme Ken Loach. Ou d'exprimer la réalité. Moi je fais le choix de l'exprimer, je préfère les fables", admet Albert Dupontel.
Reste que les icônes sont parfois encombrantes. "J'essaie de les chasser mais Terry Gilliam et Charlie Chaplin sont toujours là. Parfois, je suis tout content d'une trouvaille et je me rends compte qu'ils l'ont déjà fait."