Nouvelle déflagration dans le cinéma français. Le président du Centre national du cinéma (CNC), Dominique Boutonnat, dont la mise en retrait est réclamée par des militants et l'actrice Judith Godrèche, sera jugé pour agression sexuelle sur son filleul. "La date envisagée pour ce procès est fixée pour l'instant au 14 juin" à Nanterre, a indiqué mercredi le ministère public à l'AFP, confirmant une information du site L'Informé.
Le parquet n'a retenu que l'agression sexuelle
Dominique Boutonnat, aujourd'hui âgé de 54 ans et qui conteste vigoureusement les faits reprochés, a été accusé en octobre 2020 par son filleul de faits remontant au mois d'août de la même année, lors de vacances en Grèce, quand ce dernier était âgé de 21 ans.
Dans la plainte consultée par l'AFP, le jeune homme accuse son parrain, avec qui il n'a pas de lien familial, d'avoir tenté de le "masturber" dans la nuit du 3 août 2020, après s'être baigné nu dans la piscine. "Je le masturbe pour qu'il arrête de me toucher", dénonce-t-il, assurant que son parrain avait ensuite essayé de lui imposer une fellation. Dominique Boutonnat avait été mis en examen pour tentative de viol, mais le parquet avait finalement écarté cette qualification pour uniquement retenir l'agression sexuelle.
Dominique Boutonnat évoque des "baisers consentis"
Depuis le début, le président du CNC évoque lui des "baisers consentis", "des gestes d'affection qu'il a stoppés quand il a senti de la part de son filleul que ce geste aurait pu dégénérer en autre chose", avait affirmé en 2022 son avocat Emmanuel Marsigny, annonçant déposer une plainte pour dénonciation calomnieuse. Cette plainte a été classée pour infraction insuffisamment caractérisée en septembre 2022, précise le parquet. Malgré sa mise en examen, Dominique Boutonnat avait été reconduit à son poste par le gouvernement en juillet 2022.
La CGT-spectacle avait appelé à sa démission en octobre 2022, et le collectif 50/50, qui milite pour l'égalité, la parité et la diversité dans l'industrie cinématographique et audiovisuelle, avait déploré sa reconduction. "A l'heure où il nous faut collectivement améliorer les outils pour lutter contre les violences et les harcèlements sexistes et sexuels (...) comment se faire entendre quand, à la tête du principal organisme du secteur, se trouve une personne elle-même mise en examen pour des faits qualifiés par la justice 'd'agression sexuelle'?", interrogeait alors le syndicat.
Judith Godrèche a plaidé devant le Sénat pour une mise en "retrait" de ses fonctions de Dominique Boutonnat
Judith Godrèche, qui a porté plainte contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des faits remontant à son adolescence et milite pour la protection des enfants contre les violences sexuelles, particulièrement dans le milieu du cinéma français, a elle plaidé le 29 février lors d'une audition au Sénat pour la mise en "retrait" de ses fonctions de Dominique Boutonnat.
Pour l'actrice, avec Dominique Boutonnat à sa présidence, le CNC est un endroit où "se rendent les producteurs en rigolant parce qu'ils se disent 'c'est drôle, je vais aller faire une formation contre les violences sexuelles à l'intérieur d'une institution dont le président est lui même accusé de violences sexuelles'", avait-elle lancé aux sénateurs. Interrogés par l'AFP, ni le CNC ni l'avocat de Dominique Boutonnat n'ont souhaité réagir.
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Une politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au CNC depuis 2020
Dominique Boutonnat, ancien producteur de cinéma, est depuis 2019 à la tête du très puissant CNC, un organisme sous la tutelle du ministère de la Culture, chargé de soutenir et règlementer le secteur du cinéma. Le CNC a développé depuis 2020 toute une politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, dans un secteur régulièrement secoué par des affaires ces dernières années. Des formations obligatoires à la prévention de ces violences ont notamment été mises en place pour les entreprises du secteur, et sont devenues une condition pour toucher des aides publiques.
En 2019, la nomination de Dominique Boutonnat avait déjà suscité l'inquiétude du milieu du cinéma, dont une partie estimait que ce donateur de la première campagne électorale d'Emmanuel Macron souhaitait imposer une logique fondée sur la rentabilité, mettant en danger le cinéma d'auteur. L'annonce de ce renvoi en procès intervient alors que le monde du cinéma connaît une déflagration, ébranlé par une succession d'accusations de violences sexuelles, de la part d'actrices mais aussi d'acteurs.