Le Goncourt est décerné mardi. Un prix "auquel les Français sont très attachés", explique Marie-Rose Guarniéri, fondatrice de la Librairie des Abbesses, à Paris. Ce prix, véritable institution, existe depuis un siècle : le premier prix Goncourt a été proclamé le 21 décembre 1903. Il est, selon la libraire, "le reflet de l'attachement de la France pour la vie du livre". Le jackpot pour le gagnant ? Que penser du jury ? Marie-Rose Guarniéri nous livre cinq choses à savoir sur ce prix très prestigieux.
Le Goncourt, la fortune assurée pour le gagnant ? Le gagnant du Goncourt se voit remettre un chèque de 10 euros, mais il gagne de loin le match des ventes. "C'est le prix qui vend le plus, 400.000 exemplaires en moyenne", souligne Marie-Rose Guarniéri. "400.000 exemplaires, pour un auteur, ça change complètement sa vie" assure la professionnelle. Pour comparaison, aujourd'hui, un livre qui se vend très bien "s'écoule à 10.000 exemplaires" environ, ce qui "commence à être un très bon score", rappelle Marie-Rose Guarniéri.
Le Goncourt, un prix d'éditeurs. "Ce n'est pas pour ternir cette dynamique de la vie littéraire en France mais il faut savoir que le champ est très restreint : il y a beaucoup d'auteurs et d'éditeurs qui sont exclus du jeu", révèle Marie-Rose Guarniéri. Les grands gagnants sont Gallimard (6 Goncourt en 20 ans), Grasset (3 Goncourt en 20 ans), Albin Michel (3 Goncourt) Seuil (un Goncourt) et P.O.L (Un Goncourt) "et les autres éditeurs n'existent pas", résume-t-elle. Morale de l'histoire : le Goncourt est donc "un prix d'éditeurs plus que d'auteurs."
Des jurés inamovibles. "Les jurés sont installés au sein d'une Académie Goncourt et n'en partent pas. Il sont aussi souvent à la fois auteurs, éditeurs, ou journalistes, ce qui provoque des conflits d'intérêts", raconte Marie-Rose Guarniéri. Un exemple ? Bernard Pivot, président du jury qui publie depuis de longues années chez Albin Michel. "Albin Michel a eu trois fois le Goncourt alors qu'avant, la maison d'édition ne rentrait même pas dans cette course", confie Marie-Rose Guarniéri. "Je ne veux pas dire qu'il est corrompu parce que c'est beaucoup plus élégant que ça la vie littéraire, mais quand vous côtoyez une maison, des amis, vous êtes plus attentif, plus sensible à la culture de cette maison". De plus, les jurés le disent eux-mêmes, "quand vous entrez dans une de ces Académies, vous savez que votre maison d'édition va beaucoup vous choyer."
Certains auteurs sont exclus de la course. Les auteurs "ne font pas campagne" pour le Goncourt. Il y a pourtant des auteurs " très éloignés du milieu littéraire, vraiment engagés dans la littérature et qui sortent complètement des listes", confie Marie-Rose Guarniéri. Des auteurs pourtant très talentueux, assure la libraire. "C'est vrai que quand les auteurs sortent des radars, ils ne sont pas traités au sein des prix. Il y a quand même tout un pan de la création qui n'est pas repéré", souligne-t-elle.
Quelle est la proportion de femmes en course? "Sur une rentrée littéraire de 393 romans en 2015, on a 111 écrivains traités dans les prix –et dans la presse. Parmi eux, il y a 78 hommes et 33 femmes, soit 29 % seulement de l'ensemble." Un chiffre faible, et incompréhensible alors que "les femmes n'écrivent pas moins bien", précise Marie-Rose Guarniéri.