C'est l'histoire d'un film au budget de 4,5 millions de dollars (4,1 millions d'euros) et qui s'approche, tout près, des 190 millions dollars de recettes. L'histoire de Chris, jeune afro-américain, qui part en week-end chez sa copine du moment, Rose, jeune blanche américaine. L'histoire, malheureusement millénaire, du racisme, est traitée cette fois-ci sous l'angle du film d'horreur. Avec Get Out, Jordan Peele a séduit les Etats-Unis, où le film est devenu un succès critique et public lors de sa sortie en salles fin février. Le long-métrage arrive mercredi dans les salles françaises et pourrait bien être un des événements de ce mois de mai.
Tout commence comme dans une comédie romantique. Chris doit rencontrer sa belle-famille. Le jeune homme est un peu angoissé car Rose n'a pas indiqué à ses parents que son petit copain était noir. "Il n'y a rien à craindre. Tout au plus, mon père t'embêtera pour te dire à quel point Obama est formidable", lui affirme-t-elle. Chris est donc un peu rassuré, même s'il préférerait qu'on ne se sente pas obligé d'évoquer l'ancien président des Etats-Unis en sa présence par principe, simplement parce qu'il est noir. En effet, même si le père de Rose pense bien faire, son comportement envers Chris n'a qu'une finalité, le ramener et le restreindre à une couleur de peau.
Cette simple séquence, de quelques minutes, pourrait paraître insignifiante à côté de ce qui attend Chris dans sa belle-famille. Elle illustre pourtant parfaitement la force de frappe du film, qui démontre que le racisme part de ces remarques, qui peuvent sembler anodines, pour déboucher sur une essentialisation beaucoup plus grave et, justement dans le cas de Get Out, absolument horrible. L'anodin comme premier palier vers le malaise, avant un basculement étape par étape vers le terrifiant.
Dénoncer le racisme oui, mais encore faut-il le faire avec la manière. Jordan Peele se sert de l'armée de clichés et de stéréotypes qui servent la xénophobie, pour l'associer à un ressort, non pas dramatique, mais horrifique. Get Out déploie ainsi tous les codes du film d'horreur : jump scar, musique angoissante, scènes gores et gros plans inquiétants destinés à déstructurer l'espace. Mais ils ne sont pas là uniquement comme des ornements, pour inscrire historiquement le film dans un genre. Dans Get Out, l'association des codes horrifiques et de la haine de l'autre sont en effet utilisés comme un combustible qui nourrit à plein la machine horrifique. Si le long-métrage est aussi séduisant, c'est parce que cette association débouche sur des scènes parfois sidérantes, mais dont on ne peut indiquer les détails ici, au risque de dévoiler des éléments de l'intrigue.
© Universal Pictures International France
On pourrait croire que le film fait parfois dans le facile, mais il n'en est rien. Dans la scène où Chris rencontre les amis de sa belle-famille, l'apparente simplicité de l'opposition binaire entre jeune afro-américain et vieux blancs riches cache en réalité une vérité plus complexe. Il faut gratter le vernis, pour comprendre alors que derrière la surface se dissimule quelque chose de beaucoup plus profond, une machine beaucoup plus grave. Get Out fonctionne ainsi, par une dissimulation globale à plusieurs niveaux, étendue jusqu'au fonctionnement même des scènes. Ainsi dans le film, il n'est pas rare de constater qu'on débute une séquence sur un registre romantique, voire comique, pour déboucher sur l'horreur ou le thriller.
Le registre comique justement, volontairement très présent, offre de belles respirations. Par moment, on quitte ainsi la demeure de la belle-famille via Chris et ses coups de fil passés à son ami Rod. De véritables bulles humoristiques, aux dialogues souvent très réussis, qui sortent un peu le spectateur de la tenaille angoissante imposée tout du long. Le film navigue ainsi constamment, entre légèreté et gravité, horreur et rire, anodin et exceptionnel, pour mieux éviter la monotonie.
Get Out a toutes les cartes en main pour être un carton, reste à savoir si le public suivra ce beau pari cinématographique.