>> Tous les jours dans Historiquement vôtre, le journaliste David Castello-Lopes revient sur les origines d'un objet ou d'un concept. Vendredi, il s'est penché sur la naissance des billets de banque, qui ont beaucoup surpris les Occidentaux de l'époque avant de mener à la première crise monétaire de l'histoire humaine.
"Est-ce que vous n'êtes pas un peu émerveillés par les billets de banque ? Il y a un truc quand même magique : ce sont des morceaux de papier qui, du point de vue de leur matière, sont fondamentalement sont identiques à n’importe quel autre morceau de papier. Sauf qu'eux, par une sorte de magie sociale incroyable, tout le monde est d’accord pour dire qu'ils ne sont pas juste du papier mais de l’argent.
Une invention chinoise
Si je descends à la boulangerie et que j'en donne un à la boulangère, elle me donnera du pain. Et si je lui donne plus de billets, elle me donnera plus de pain. Et si j’en rassemble un peu plus encore et que je les donne à un chef d’état africain, il acceptera que je jette mes déchets radioactifs dans son parc naturel.
Alors aujourd’hui on s’émerveille même plus tellement ça nous paraît normal. Mais les premiers Occidentaux qui ont vu ça, ça les a complètement interloqué. Et l'un de ces premiers Occidentaux, c’est Marco Polo. C'est l'une des choses qui l'ont le plus surpris lorsqu'il a visité la Chine. Les Chinois avaient inventé les billets de banque depuis déjà 300 ans, autour de l’an 1000.
C’est Tim Harford qui raconte cette histoire. Nous étions donc autour de l’an 1000 en Chine, dans la région du Sichuan, qui était alors une région frontalière souvent en guerre. L’empereur de Chine n'aimait pas trop qu'il y ait des réserves d’or importantes dans le Sichuan. Il préférait que ce soit du fer. Mais le truc c'est que le fer, c'est sympa mais ce n'est pas hyper précieux.
Le début du contrat de confiance
Ce qui fait que si vous vouliez acheter un poney par exemple, vous deviez vous pointer avec une brouette de pièces en fer. Pas très pratique. Et donc pour comprendre ce qui s’est passé, il faut imaginer que dans le Sichuan de l’an 1000, il y avait un certain nombre de gens qui avaient la réputation d’être à la fois fiables et solvables, un peu comme Stéphane Bern aujourd'hui.
Des marchands ont commencé à accepter que ces gens fiables, au lieu d’apporter une brouette de pièces en fer pour payer leur poney, marquent plutôt sur un bout de papier ce qu'ils leur devaient. Et ces bouts de papier, ces reconnaissances de dettes en somme, ont commencé à voyager de mains et mains et à s'échanger entre personnes extérieures à ce premier échange poney-bout de papier.
Peu de temps après, l’empereur de Chine s'est dit que l'idée était géniale, et a décidé qu'il était désormais le seul à pouvoir créer ses bouts de papier qui servent à payer. C'est le début des billets. Ces premiers billets chinois s'appelaient des jiaozi, et on pouvait les échanger contre du vrai or.
La première crise de l'inflation
Mais au bout d’un moment, ce n'était même plus le cas. C’est-à-dire que la quantité de billets émis n’était plus indexée sur des richesses que l’empire possédait effectivement. Et là, ça a été la porte ouverte aux emmerdes. Parce qu’évidemment, le gouvernement Chinois avait besoin d’argent pour payer des trucs. Et c’est quand même super tentant quand on a besoin d’argent, de juste imprimer des billets.
Mais après il y en a trop. Et c'est le début de l'inflation folle, qui fait perdre de la valeur à la monnaie. Jusqu’à ce qu’elle ne vaille plus rien du tout. Et c’est ce qui s’est passé en Chine. Et dans plein d’autres pays depuis.
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L’un des exemples le plus récent c’est le Zimbabwe. En 2008, le pays connaît une inflation de 231.000.000%. Au point qu’il y avait des billets de 100.000 milliards de dollars zimbabwéens, qui ne correspondaient qu'à… 30 dollars américains.
Mais dans l’ensemble, les Etats ont appris avec le temps à résister à la tentation d’imprimer de l’argent. Et 1000 ans plus tard, dans l’ensemble, les billets de banque fonctionnent encore.