De la Renaissance à Napoléon : les multiples vies de l’épée François Ier

Elle a traversé les siècles et sera même convoitée par Napoléon ! C'est l'épée de François Ier, avant tout un objet d’apparat.  En fer forgé, surmonté d’un pommeau émaillé en bleu, blanc et rouge. il s'agit d'une arme précieuse, mais qui n’est d’aucune utilité sur les champs de bataille : "Il faut considérer cet objet comme un bijou", explique le conservateur Christophe Pommier, responsable du département artillerie du musée de l'Armée et commissaire de l’exposition "Victoire ! La fabrique des héros", interviewé par Virginie Girod pour Au Cœur de l'Histoire.

"C’est encore assez rare au XVIème siècle, et cela va devenir très courant au XVIIème et au XVIIIème siècle. François Ier possède cette épée pour le paraître : il la porte à sa ceinture, pour affiner sa silhouette et montrer sa puissance, sa richesse et son bon goût”. Sur la garde de l’épée, on peut lire l’inscription suivante : "Fecit potentam in brachio suo", ce qui signifie "il a placé sa puissance dans mon bras", le bras du roi de France. En dessous de ce pommeau, on retrouve une salamandre, l’emblème personnel de François Ier, dont il est fait mention dès 1504 : "C’est un animal réel, mais qui a une place importante dans le bestiaire fantastique du Moyen-Age et de la Renaissance”, souligne le conservateur Christophe Pommier. "En choisissant un animal, François Ier marche dans les pas des grands souverains de l’époque : Louis XII avait le porc-épic, les rois d’Aragon en Espagne avaient le dragon". La salamandre est aussi un animal qui serait capable de survivre aux flammes, ce qui rejoint la devise de François Ier "Nutrisco et Extinguo", ce qui signifie "Je m’en nourris et je l’éteins". Le roi conserve cet emblème jusqu’à sa mort.  

Des mains des rois espagnols à celles de Napoléon Ier  

Dès 1515, François Ier est pressé de reprendre la guerre en Italie, initiée par Louis XII et Charles VIII. Mais après sa victoire à Marignan, le roi perd la bataille de Pavie en 1525. Il est fait prisonnier, et il perd sa fameuse épée : "C’est la déroute totale de l’armée française en Italie. L’épée est prise par un capitaine espagnole Juan Aldana, qui la garde avec lui. C’est son trophée de la victoire espagnole", confie Christophe Pommier. Par la suite, c’est le fils de Juan Aldana qui va l’offrir à Philippe II d’Espagne, le fils de Charles Quint, car il veut négocier une pension auprès du roi.  

Des siècles plus tard, en 1806, Napoléon met en place le blocus continental, afin d’isoler commercialement l’Angleterre. Très vite, Napoléon s’ingère dans les affaires espagnoles, et à partir de 1808, l’armée française est présente en Espagne. L’empereur demande alors au maréchal Murat de rapporter l’épée de François Ier à Paris. Napoléon conservera cette épée dans son cabinet des Tuileries jusqu’en 1814. "Napoléon apporte une charge très symbolique à cette épée", explique Christophe Pommier pour Au Coeur de l'Histoire. "L’empereur la garde dès de lui, avec l’épée de Charlemagne, avec les regalia. C’est un objet qui va lui permettre de légitimer sa place en tant qu’empereur à la suite des rois de France". Après son abdication, Napoléon remet cette épée, qui est depuis conservée au musée d’artillerie, l’ancêtre du musée de l’Armée.