La vie de France Gall, morte dimanche des suites d'un cancer, a été faite de gloires et moments douloureux. De succès fulgurants et de tristesses infinies. Sa popularité ne l'a jamais protégée des doutes, des contraintes et des drames. Et ce, dès les prémices de sa carrière.
L'Eurovision, une victoire assortie d'une rupture
En 1965, tout semble sourire à la jeune France Gall. Elle est choisie pour représenter le Luxembourg au Concours Eurovision de la chanson, organisé à Naples, mais part "perdante", de son propre aveu. Et pour cause. Arrivée en Italie, les répétitions ne se passent pas bien du tout pour la chanteuse, qui doit interpréter Poupée de cire, poupée de son. "Je me suis fait huer par les musiciens tout l'après-midi, pendant les répétitions", a-t-elle raconté, bien des années plus tard, en 2015, sur le plateau de C'est votre vie, une émission diffusée sur France 2. Serge Gainsbourg, l'auteur de la chanson et présent aux répétitions, claque la porte, fou de rage.
France Gall interprète Poupée de cire, poupée de son à l'Eurovision :
Perturbée par ces tensions, la chanteuse de 19 ans entre sur scène mal assurée. Si sa prestation s'en ressent, la victoire lui revient malgré tout. France Gall aurait dû être aux anges. Mais ce succès est très vite entaché. "J'étais avec un garçon et j'ai demandé à ce qu'on appelle ce garçon quand j'ai gagné. Et ce garçon, juste avant que je ne monte sur scène pour aller rechanter ma chanson, il me dit 'Je te quitte'. Donc moi, qui étais très amoureuse, je pleure. Et on me pousse sur scène et on voit que j'ai plein de larmes mais ça n'a rien à voir avec le fait que j'ai gagné", confiait-telle dans C'est votre vie. Ce garçon n'est autre que Claude François, avec qui elle entretenait une relation amoureuse depuis trois ans.
Les ennuis ne sont pas finis pour France Gall. Après la remise de son prix, sitôt de retour en coulisses, la candidate anglaise la gifle violemment. "Elle croyait qu'elle allait gagner. Tout le monde croyait que c'était elle. On a même dit que cela avait été truqué", se souvenait la chanteuse.
Des tubes populaires… mais imposés
La carrière musicale de France Gall est façonnée par plusieurs hommes. Son père, ses managers, ses auteurs : tous lui disent quoi faire, quoi chanter, sans que France n'ait vraiment voix au chapitre. Fin 1964, France Gall enregistre un 45 tours destiné aux enfants. Son père lui écrit, sur une musique du compositeur Georges Liferman, le titre Sacré Charlemagne. France Gall déteste, mais abdique. "Sacré Charlemagne, j'en étais malade, je me souviens, je n'aimais pas du tout ça. Je ne l'aimais pas et pourtant je l'ai laissé sortir. C'est vous dire à quel point je ne maîtrisais pas la situation", racontait-elle dans Fréquenstar, sur M6 en 1993.
France Gall chante Sacré Charlemagne :
Très jeune quand elle a commencé sa carrière, France Gall s'est parfois laissée entraîner dans des choix auxquels elle n'adhérait pas, par naïveté. Quand Serge Gainsbourg lui soumet Les Sucettes en 1966, la chanteuse ne comprend pas le sens caché - et coquin - de la chanson. Mais à la sortie du titre, le grand public, lui, n'entend que trop bien les allusions de Gainsbourg, et la polémique enfle. France Gall se sent manipulée, meurtrie. "Je n'aime pas susciter le scandale. J'aime qu'on m'aime", confie-t-elle dans Rock and Folk, en 1968.
Michel Berger, ascension et précipice
C'est en rencontrant Michel Berger, au début des années 1970 dans les studios d'Europe 1, que la vie de France Gall bascule. Si le chanteur et parolier refuse d'abord de collaborer avec la jeune chanteuse, il finit tout de même par lui laisser sa chance. Entre eux, le courant passe, artistiquement et amoureusement. Le compositeur lui offre La Déclaration d'amour, en 1974, et un premier album éponyme. Dans les années qui suivent, le duo prolifique, désormais marié, enchaîne les tubes : Si Maman si, Il jouait du piano debout, Résiste, Ella, elle a, Débranche, Babacar… France Gall devient l'une des grandes stars des années 1980.
Ella, elle l'a, l'une des chansons majeures du duo Berger-Gall :
La chanteuse, qui dit être "née avec Michel Berger", triomphera dans la comédie musicale Starmania au Palais des Congrès en 1979. Mais le 2 août 1992, deux mois après la sortie de leur album en duo Double jeu, et alors qu'ils viennent d'annoncer une série de concerts dans diverses salles parisiennes, Michel Berger est foudroyé par un infarctus à 44 ans, alors qu'il passe ses vacances en famille dans sa résidence d'été à Ramatuelle.
La carrière de France Gall s'arrête là, presque instantanément. Elle met officiellement fin à sa carrière en 1997, après un autre drame, celui du décès de l'aînée des deux enfants qu'elle a eus avec Michel Berger, atteinte de la mucoviscidose. Elle ne reviendra désormais sur le devant de la scène que pour faire vivre la musique de Michel Berger à travers des émissions télévisées, des intégrales et des coffrets.
Une carrière au cinéma à jamais empêchée
Au milieu des années 1960, Walt Disney veut adapter Alice au pays des merveilles, sorti en dessin animé en 1951, dans une version musicale. France Gall, qui a toujours mis un point d'honneur à ne pas se lancer dans le cinéma, est pressentie pour interpréter Alice. Emballée par le projet, elle accepte finalement. Mais en décembre 1966, Walt Disney, gravement malade, meurt, et le projet est abandonné.