Gilles Lellouche : "J'ai eu deux douches froides" sur le tournage du film "Le Grand Bain"

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Aurélie Dupuy , modifié à
Son premier film surfe sur les hauteurs du box-office. Invité d'Isabelle Morizet, Gilles Lellouche raconte pourquoi il avait besoin de s'exprimer en tant que réalisateur.
INTERVIEW

C'est une équipe de stars qui nage dans Le grand bain, premier film réalisé seul par Gilles Lellouche. Le cinéaste a notamment mis à l'eau Mathieu Amalric, Benoît Poelvoorde, Guillaume Canet ou encore Philippe Katerine. Sorti en salles le 24 octobre, le film raconte le parcours de huit hommes un peu déboussolés par la vie qui, en partant de rien, visent le championnat du monde de natation synchronisée.

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"Pas mal d'acteurs devraient s'abstenir". Quelques larmes ont coulé pendant les applaudissements de la Croisette. Le cinéaste de maintenant 46 ans a vécu le moment comme "une renaissance" après avoir porté le film pendant cinq ans. "J’y ai mis beaucoup de temps et beaucoup de cœur (...). J’ai eu un besoin très fort de m’exprimer, de faire quelque chose qui pouvait enfin me ressembler." Pour autant, passer à la réalisation n’est pas un passage obligé selon lui pour un comédien. "Je crois même que pas mal d’acteurs devraient s’abstenir de réaliser", glisse-t-il. Personnellement, il évoque presque un besoin de passer derrière la caméra : "Il y a une espèce de frustration à servir les mots des autres, de ne pas exprimer mon goût, mes choix, ma vision du monde."

Satisfait de ses nombreux rôles, il n'y trouve pas la jubilation absolue. "Ça peut m’arriver mais c’est extrêmement rare, comme il est très rare de passer une extraordinaire bonne soirée, de goûter un extraordinaire vin ou de faire l’amour extraordinairement bien. Ce sont des choses qui sont rares. Et je ne recherche que ça, parce que sinon on est dans le banal et le banal n’a rien à voir avec l’art." Le grand bain est "le film que je voulais faire", résume-t-il.

Elle m'a dit : 'On ne va pas y arriver'". Plus que des types en slips et bonnets de bain, "je voulais parler du sens de l’effort conjugué à un sport marginal. La natation synchronisée l'est." Son sujet lui est venu après avoir vu un documentaire sur l'équipe suédoise masculine de natation synchronisée sur Arte qui l'a "mis par terre". Il avait son sujet. Et pour porter cette comédie sociale, un 'feel good movie', il estime avoir "eu une succession incroyable de feux verts" dans un milieu du cinéma pourtant souvent frileux au niveau de la production.

Le cinéaste a toutefois eu "deux douches froides". La première quand Julie Fabre, coach de l'équipe de France, a douté de la réussite de l'entreprise quand elle a vu les acteurs s'activer dans le bassin. "Elle s’est retournée vers moi et m'a dit 'On ne va pas y arriver. On part de trop loin, on n'arrivera jamais à faire ce que tu veux", raconte-t-il. Cet obstacle a été levé au rythme de deux entraînements par semaine sur sept mois.

Entendu sur europe1 :
J’ai autre chose à foutre que d’aller dîner au Kentucky pour avoir un Oscar

"Il électrise tellement il a du talent". C'est cette cadence soutenue qui a été le second obstacle, puisqu'elle a failli faire renoncer Benoît Poelvoorde, qui venait de Namur en Belgique, à 300 km des entraînements. Coup de chance inouï, la sœur de Julie Fabre, elle aussi entraîneur, vivait à côté de chez lui. "Il y avait une chance sur un milliard que cette femme vive à 10 km de ce gros Belge feignant !", s'amuse Gilles Lellouche, au demeurant très admiratif de son collègue : "Benoît Poelvoorde est le garçon le plus génial que j’aie rencontré de ma vie. C’est un homme qui vous électrise tellement il a du talent. Passer un moment avec lui vous oblige à sortir de votre torpeur. Vous êtes obligé d’être beaucoup plus brillant que ce que la vie vous demande en général", décrit le cinéaste qui a songé un instant à passer le costume de bain avant de se raviser : "Je n’aurais pas pu faire l’un et l’autre et je trouve que ça n’aurait pas été le même film. Ça aurait été beaucoup trop égocentrique."

"Le succès est un anesthésiant". Côté box-office, le démarrage du film est réussi mais Gilles Lellouche se méfie : "Le succès est un anesthésiant. Pour peu que vous ayez 3,4,5 films qui font de vous une immense star, vous pensez que vous avez raison. Et personne ne vous contredit. Le succès est un drame. Le succès rend paresseux et bourgeois. Moi, j’adore l’idée de remettre les compteurs à zéro à chaque fois." Une éventuelle sélection aux Oscars en tant que film étranger ne l'intéresse d'ailleurs pas : "Je ne me vois pas faire une campagne de huit mois. Très honnêtement, je m’en fous un peu. J’ai autre chose à foutre que d’aller dîner au Kentucky pour avoir un Oscar." Il se voit plutôt "en jachère" avec famille et amis.