Son objectif est clair : "Porter la voix des femmes du Sahel." L'écrivaine féministe camerounaise Djaïli Amadou Amal a séduit les jeunes jurés du prix Goncourt des Lycéens avec Les Impatientes, un roman "inspiré de faits réels", qui explore mariage forcé, polygamie et violences faites aux femmes. "Quand la littérature peut servir une cause, c'est deux en un", sourie l'auteure, invitée d'Europe 1 jeudi matin. "Et le fait que les jeunes s'intéressent à ces sujets augure des jours meilleurs."
Elle insiste sur le fait que son livre n'est "ni une autobiographie, ni un témoignage". "Mais il s'agit de faits authentiques vécus par moi et par tout mon entourage", précise l'écrivaine. Née dans le nord du Cameroun, Djaïli Amadou Amal a été mariée à l'âge de 17 ans à un quinquagénaire qu'elle ne connaissait pas. Elle parvient à divorcer cinq ans plus tard. "Le mariage forcé est l'une des violences les plus pernicieuses car il entraine toutes les autres formes de violences", dénonce-t-elle, ajoutant que pour beaucoup "le viol n'existe pas dans le mariage". Dans son roman, la jeune héroïne s'adresse à un médecin après avoir été violée par son mari. Considérant que l'acte a eu lieu dans la légalité, il décide de ne pas intervenir.
L'éducation, "meilleur remède" contre le mariage forcé
"Violence pernicieuse" aussi car le mariage forcé "ne se passe pas dans la brutalité, comme dans les mauvais téléfilms". "C'est un véritable chantage affectif. On persuade la fille qu'on la marie pour son bien. Ce n'est pas par méchanceté : les parents l'imposent souvent car ils n'envisagent rien d'autre que ce qu'ils ont connu eux-mêmes."
C'est d'ailleurs pour faire évoluer les moeurs que Djaïli Amadou Amal préside l'association "Femmes du Sahel", qui encourage la scolarisation des jeunes filles. Pour elle, l'éducation reste "le meilleur remède" contre le mariage forcé. "Une fille qui n'apprend pas de métier reste dépendante toute sa vie. Il faut les aider à se prendre en charge, à avoir une profession." La lauréate rappelle : "L'indépendance commence par l'indépendance financière."