Une bête de festivals. Cannes, mai 2016, Grave est projeté à la Semaine de la critique, une section parallèle du Festival de Cannes. Immédiatement, les retours critiques sont bons et le film est accueilli avec enthousiasme. Le long-métrage raconte l'histoire de Justine, végétarienne, qui rentre en école vétérinaire et subit un bizutage qui va révéler sa véritable nature.
Après Cannes, le long-métrage de Julia Ducournau écume avec succès d'autres événements. Le festival Gérardmer en janvier dernier (Grand prix et Prix de la critique) ou encore le Paris International Fantastic Film Festival (Œil d'or du meilleur film de la compétition internationale et Prix Ciné+ Frisson du meilleur film).
La route des festivals s'est poursuivie aussi outre-Atlantique où Grave a été montré au Festival de Toronto. Lors de la projection en septembre dernier, certaines séquences ont provoqué deux malaises vagaux chez des spectateurs. Il n'en fallait pas plus. Grave devient "le film qui fait s'évanouir le public". "Deux personnes sur 1.200, un phénomène minoritaire", tempère, à raison, la réalisatrice Julia Ducournau chez nos confrères de Madame Figaro.
Promenons-nous dans les bois, et après ? Ce subtil cocktail entre validation des critiques, bouche-à-oreille positif et buzz horrifique suffira-t-il à changer le cours de l'histoire ? En effet, rares sont les films d'horreur français qui ont trouvé le chemin des salles. Encore plus rares sont ceux qui ont connu un succès.
Pour trouver la dernière grande réussite au box-office d'un film d'horreur français, il faut ainsi remonter à l'année 2000. Promenons-nous dans les bois, de Lionel Delplanque, avait réuni un million de curieux. "Une anomalie", juge rétrospectivement le journaliste du magazine So Film, Benoit Marchisio. En 2014, il avait publié un article qui faisait un état des lieux du cinéma d'horreur français dans l'hexagone.
Des films sont en effet sortis, des essais ont été réalisés, mais pas transformés. Maléfique d’Éric Vallette (85.347 entrées), Vertige d’Abel Ferry (83.627 entrées), À l'intérieur de Julien Maury et Alexandre Bustillo (70.614 spectateurs), autant de longs-métrages qui ont échoué à trouver leur public en salles dans les années 2000. Des exemples qui symbolisent, plus largement, les difficultés d'un genre pour se développer. Chaînes de télévision, producteurs et exploitants frileux, système de préfinancement rigide, l'addition de tous ces petits obstacles forment "une conjugaison de phénomènes qui rend difficile la fabrication de l'horreur en France", explique Benoit Marchisio.
La réalisatrice Julia Ducournau (Photo AFP)
La peur américaine. Pourtant, des films d'horreur et gore sortent en salles, mais ils sont plus souvent américains. Depuis le début de l'année, Resident Evil : Chapitre Final ou encore Le Cercle - Rings ont ainsi connu une exploitation française. Alors pourquoi existe-t-il une place pour des films américains du genre, mais pas français ? Benoit Marchisio estime qu'il s'agit là d'une question de culture. "On fait plus confiance aux américains pour nous faire peur. Des générations de cinéphiles ont grandi avec John Carpenter, Wes Craven, George A. Romero, la série des Saw. Dans les esprits, l'idée que l'horreur qui fait peur vient des Etats-Unis s'est imprimée", détaille-t-il.
Grave, s'il est un succès, aura donc sans doute du mal à effacer toutes ces années d'histoire. Pour autant, si les films d'horreur français n'arrivent pas à trouver le chemin de la salle, une nouvelle voie pourrait bien s'ouvrir à eux. "Sur la VOD, le genre fonctionne, donc cela peut donner des idées à Amazon, Netflix ou encore SFR", indique Benoit Marchisio. La Vidéo à la demande, nouvel eldorado de l'horreur français ? Possible.