Les fans de Charlie et la chocolaterie se souviennent certainement d'Augustus Gloop, cet enfant goulu, dévorant inlassablement toutes sortes de confiseries jusqu'à tomber dans une rivière de chocolat. Décrit comme étant "gros" dans le roman du même nom publié par Roald Dahl, il est désormais "énorme" selon la réécriture de l'œuvre par l'éditeur britannique Puffin. Le Daily Telegraph rapporte en effet que certains passages des grands classiques du romancier ont été modifiés car jugés trop "offensants".
En collaboration avec la Roald Dahl Story Company, la société qui représente les ayants droit de l'auteur, l'éditeur dit vouloir s'assurer que ces ouvrages "puissent être toujours appréciés de nos jours par tout le monde". Ainsi, toujours dans Charlie et la chocolaterie, les fameux Oompa Loompa ne sont plus des "petits hommes" mais des "petites personnes". Dans Les deux gredins, Commère Gredin, autrefois "hideuse et malpropre" n'est plus qu'uniquement "malpropre". Autre exemple : les "hommes nuages" de James et la pêche géante s'affranchissent désormais de tout genre pour devenir le "peuple nuage".
Redorer l'image de Roald Dahl
Enfin, dans Sacrées sorcières, une nouvelle phrase est venue se greffer après un paragraphe expliquant que lesdites sorcières sont chauves sous leur perruque. "Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les femmes pourraient porter des perruques et il n'y a rien de mal à cela", peut-on désormais lire.
>> LIRE AUSSI - «Tarlouze», «boche», «schleu»... le Scrabble interdit plusieurs mots qu'il juge offensants
Des réécritures approuvées par la Roald Dahl Story Company. "Lors de nouveaux tirages de livres écrits il y a des années, il n’est pas inhabituel de passer en revue le langage utilisé et de mettre à jour d’autres éléments comme la couverture et la mise en page", justifie-t-elle. Selon cette société, il s'agit également de redorer l'image d'un romancier également connu pour certaines frasques. En 1983, il avait notamment tenu des propos ouvertement antisémites au cours d'une interview dans laquelle il semblait trouver des circonstances atténuantes aux crimes commis par Adolf Hitler. Fin 2020, sa famille avait d'ailleurs présenté ses excuses.
Des réactions indignées
Toutes ces explications n'ont toutefois pas suffi à contenir le torrent de réactions provoqué par cette initiative. Tout en reconnaissant que Roald Dahl n'était "pas un ange", l'écrivain britannique Salman Rushdie, victime d'une attaque au couteau il y a six mois, a dénoncé une "censure absurde".
Roald Dahl was no angel but this is absurd censorship. Puffin Books and the Dahl estate should be ashamed. https://t.co/sdjMfBr7WW
— Salman Rushdie (@SalmanRushdie) February 18, 2023
"L'édition sélective pour faire que les mots de la littérature se conforment à des sensibilités particulières pourrait représenter une arme nouvelle dangereuse", a de son côté estimé Suzanne Nossel, la patronne de PEA America, une organisation qui rassemble 7.000 écrivains pour la liberté d'expression. Au cours d'un point presse régulier, Rishi Sunak, le Premier ministre britannique, a lui même appelé à "préserver" plutôt que "retoucher" les mots utilisés dans les œuvres de Roald Dahl.