Il vient d'obtenir le Molière du "meilleur acteur de théâtre privé", et d'entrer dans le Robert. Dans son nouveau rôle au cinéma pour le film Grand froid, en salles mercredi, Jean-Pierre Bacri interprète un croque-mort au chômage technique. L'acteur était l'invité dominical de l'émission C'est arrivé demain.
Plus jamais se lever à 7h pour mettre un costard. Bacri joue ici son premier croque-mort mais "n'a pas attendu ce film pour [s]e poser des questions sur la mort. Quand on arrive à un certain âge, on sait bien que, statistiquement, on commence à être dans la bonne tranche. On finit par se figurer les choses et y penser." Sa façon de laisser les choses qui l'ennuient de côté n'a en revanche rien à voir avec un sentiment de finitude. "J'ai toujours été comme ça. J'ai fait ce métier, principalement au début, parce que ça permettait de se lever tard. Comme j'avais travaillé dans une banque pendant un an et demi, je m'étais promis de ne plus jamais faire ça, me lever à 7h et mettre un costard et une cravate."
"Fascinés par les rapports de pouvoir". Il différencie le côté cancre - qu'il n'était pas - à une sainte horreur des contraintes. Rentrer dans le dictionnaire lui apparaît "comme la Légion d'honneur : pas si grave." Quant au Molière, c'est autre chose : "C'est toujours la vanité qui est en cause, ça la flatte et après elle s'endort obèse et congestionnée et elle me laisse tranquille." Cet hiver, il a aussi repris deux pièces d'Agnès Jaoui et lui, vingt ans après leur création. "Avec Agnès, on essaie d'écrire des choses universelles, qui touchent à l'être humain (...) On est fascinés par les rapports de pouvoir."
"C'est comme dans les quartiers," poursuit-il. "Si vous privilégiez des gens et que vous en mettez d'autres dans des cages à lapins, se sentant moins aimés, ils sont d'autant plus frustrés. Etant frustrés, ils ont du ressentiment, ayant du ressentiment, ils se comportent mal. Parce qu'ils veulent le faire payer et je les comprends. Il faut aimer les gens et appliquer le premier article de la Constitution : 'Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Il faudrait appliquer ce premier article, c'est ça que je dirais à Macron.'
"Le progrès, c'est fait de compromis". Il regarde d'ailleurs la politique d'aujourd'hui avec "plaisir. J'ai toujours plaisir à voir les choses changer et bouger. Je ne trouve pas du tout que c'était mieux avant. En général, c'est les vieux qui disent ça - sous entendu, c'était mieux avant quand j'étais jeune. Ils sont simplement amers. Quant à moi, la société comme elle est me plaît et elle me plaira comme elle sera. Je trouve que Macron est une source de progrès. On s'est foutu de sa gueule à tort parce qu'il employait l'expression 'et en même temps', mais la vie c'est 'en même temps'. Les choses ne sont jamais simples. Si on pouvait faire comprendre ça aux gens, ils voteraient un peu moins Front national. Le progrès, c'est dur, c'est fait de compromis." Comme un couple, conclut-il.