L’assassinat de Kennedy, aux racines du complot

John Fitzgerald Kennedy est assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas
John Fitzgerald Kennedy est assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas
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Nathan Laporte
Le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy est assassiné à Dallas. 60 ans plus tard, cet événement pourtant largement documenté suscite toujours autant de questions et de fantasmes. Pour comprendre pourquoi toute la lumière n’a pas encore été faite sur cet assassinat qui a fait naître d’innombrables théories du complot, Virginie Girod s’entretient avec l’historien Thierry Lentz, dans le podcast Au cœur de l’Histoire.  
PODCAST

Dallas, 22 novembre 1963. À 12h30, alors que le couple présidentiel circule sur Dealey Plaza à bord d’une limousine décapotable, des coups de feu retentissent ! John Fitzgerald Kennedy, touché à la gorge, reçoit une deuxième balle en pleine tête. Le président américain vient d’être assassiné.  

60 ans après les faits, des zones d’ombres subsistent et les théories du complot fleurissent. Pourtant, le meurtre s'est produit devant des centaines de témoins, la séquence a même été filmée ! Pour revenir aux origines du mystère qui entoure l’assassinat de JFK, Virginie Girod du podcast Au cœur de l’Histoire reçoit l’historien Thierry Lentz, auteur de L’assassinat de John F. Kennedy : Histoire d’un mystère d’Etat, aux éditions du Nouveau Monde.  

La mort de Lee Harvey Oswald  

Remontons le fil des événements : à la mort de Kennedy, c’est la police de Dallas qui est chargée de l’enquête, le meurtre du président n’étant pas considéré comme un crime fédéral à l’époque. "Vu de loin, elle est particulièrement efficace, puisque moins de trois heures après l'assassinat, on arrête celui qu'on désigne comme son assassin" retrace Thierry Lentz. Ce coupable présumé s’appelle Lee Harvey Oswald, un ancien marine de 24 ans. "Par la suite, la police va commettre de multiples d’erreurs, notamment des interrogatoires d'Oswald qui ont été faits sans procès-verbaux". Et le 24 novembre 1963, la police de Dallas laisse l’impensable se produire : à la sortie d’un commissariat, Oswald est lui aussi assassiné par un homme proche de la mafia, Jack Ruby. Le principal suspect assassiné, ça ne manque pas d’attiser les soupçons. "C'est la naissance de toutes les polémiques" reconnaît Thierry Lentz.  

Des enquêtes bâclées 

Et si la mort d’Oswald ne suffisait pas, l’impression d’une succession d’enquêtes bâclées fait aussi le lit des théories du complot. Pour dissiper toute confusion, Lyndon B. Johnson, le successeur de Kennedy à la Maison-Blanche, lance une commission d’enquête présidentielle le 29 novembre. La commission Warren, du nom de son président, Earl Warren, rend son rapport dix mois plus tard. "Elle conclut qu’Oswald a tiré sur Kennedy et qu’il a agi seul, tout comme Jack Ruby, qui prétend avoir voulu éviter à Madame Kennedy de revenir à Dallas pour un procès" résume Thierry Lentz. Le rapport aurait dû clore le dossier, et réfuter l’existence d’une conspiration. Seulement, les Américains n’y croient pas. "Il y a deux raisons" avance l’historien, "La première, c'est que les Américains ont eu l'impression qu'on voulait détourner l'enquête des procédures normales. Ensuite, les conclusions du rapport ont été accompagnées de la publication des pièces, leurs interrogations et leurs investigations. Or, les conclusions de la commission étaient souvent annihilées par le contenu des pièces".  

Coups de feu et "balle magique"

En particulier, le nombre de tirs cristallise les débats. Selon la version officielle, trois coups de feu ont été tirés par Lee Harvey Oswald. Un a raté sa cible, un autre a atteint JFK au cou et aurait également blessé le gouverneur du Texas, qui se trouvait aussi dans la limousine présidentielle. Le troisième fait exploser le crâne du président. Selon les critiques du rapport Warren, il est impossible qu’une même balle ait blessé à la fois le président et le gouverneur. Et s’il n’y a pas de "balle magique", alors quatre coups de feu ont été tirés. C’est une question fondamentale, car Oswald n’aurait pas eu le temps de tirer à quatre reprises avec sa carabine semi-automatique dans un délai de six secondes. Il y aurait au moins un deuxième tireur, et donc, un complot.  

> Pour écouter l'intégralité de l'entretien avec Thierry Lentz dans le podcast "Au Coeur de l'Histoire", cliquez ici

Le temps des conspirations  

Parmi les grands détracteurs de la commission Warren et de son rapport, on trouve notamment Jim Garrison, le personnage central du film JFK d’Oliver Stone. Procureur de la Nouvelle Orléans, il va mener sa propre enquête à la fin des années 60, persuadé que l'assassinat de Kennedy a été commis par une officine anticastriste qui réunissait à la fois des agents de la CIA et des hommes de la mafia. Même s’il perd finalement le procès qu’il mène, "ça a fait un bruit énorme aux États-Unis" rappelle Thierry Lentz "Jimmy Carter, avec une chambre des représentants démocrates a donc autorisé l'ouverture d'une nouvelle enquête en 1976". Un comité est constitué pour reprendre les investigations : le House Select Committee on Assassinations (HSCA). Il conclut de son côté que l’assassinat de Kennedy est probablement l’œuvre d’une conspiration, mais ne désigne pas de coupable en dehors d’Oswald.  

Qui aurait pu être impliqué dans l’assassinat du 35ème président des États-Unis ? La liste de suspects est longue, et les théories sont plus ou moins farfelues. 

Premier suspect : Lyndon B. Johnson, le successeur de Kennedy. Avant le 22 novembre, il est le vice-président de JFK.  Et comme le veut la Constitution américaine, c’est le vice-président qui entre à la Maison-Blanche en cas de maladie, décès ou destitution du président. La mort de Kennedy profite donc directement à Johnson. "Il a été largement dédouané. Ce n'était pas tellement le genre de la très haute fonction politique américaine" tempère Thierry Lentz dans Au cœur de l'Histoire.

Très hostile à la politique du président démocrate, l’extrême droite américaine, en particulier texane, avait aussi ses raisons pour se débarrasser de Kennedy. Elle reprochait au président démocrate son engagement contre la ségrégation raciale, énergie que Kennedy aurait mieux fait de mettre au service de la lutte contre le communisme où il est jugé trop "mou". Cependant, tuer John Fitzgerald Kennedy avait peu de chance de mettre un terme à la politique démocrate, et Johnson a effectivement poursuivi l'œuvre de son prédécesseur.  

Mafia, CIA, Cuba  

Vient ensuite la mafia. La famille Kennedy entretenait des liens avec la pègre, qui a favorisé son ascension. Mais une fois JFK à la Maison-Blanche, "la mafia s'inquiétait de plusieurs choses, notamment du ministre de la Justice de John Kennedy, tenu par son frère Robert. Il s'était mis à poursuivre le crime organisé d'une façon qui n'avait jamais existé auparavant. La mafia avait beaucoup à perdre" estime Thierry Lentz. Le crime organisé lorgne aussi sur Cuba où il avait de gros intérêts économiques avant d’être chassé de l’île par la révolution castriste. Or Kennedy, après avoir essayé de renverser le régime communiste sur l’île, prône la détente.  

Des théories du complot font le rapprochement avec la CIA, qui elle aussi était déterminée à se débarrasser de Castro pour reprendre pied à Cuba, et voit d’un mauvais œil la politique d’apaisement de JFK. "Allen Dulles, l'ancien patron de la CIA, a été limogé par Kennedy un an et demi plus tôt", après l’invasion ratée de la Baie des Cochons. "Il est membre de la commission Warren. Donc tout est en place pour qu’on puisse avoir des doutes" souligne Thierry Lentz. Mais "Le grand chef de la CIA et son conseil ne se sont pas réunis un beau matin pour tuer John Kennedy. En revanche, la CIA comme tous les services secrets du monde, possède des groupes d’actions qui sont souvent des groupes «privés» avec lesquels on passe des contrats". Un de ces groupes aurait-il pu devenir hors de contrôle, au point d’assassiner le président ?  

Plusieurs vagues de déclassification de documents officiels sur l’assassinat de Kennedy ont eu lieu depuis sa mort. Dernièrement, 13 000 documents ont ainsi été rendus accessibles au public en décembre 2022. "Ça ne change rien" affirme Thierry Lentz "Ces documents doivent être vus d'abord par une commission des services officiels américains qui a le droit de caviarder des parties qui mettraient en péril la sécurité des États-Unis ou des agents encore en service. Vous avez parfois des documents qui sont entièrement caviardés".