Il ne l’avait jamais rencontrée. Jean-Christophe Mitterrand a confié au Journal du Dimanche dans quelles conditions il a parlé pour la première fois à Anne Pingeot, celle qui fut la maîtresse de son père pendant 33 ans, alors que cette dernière envisageait de publier la correspondance fleuve que lui a adressé au fil des années l’ancien président de la République.
Deux vies. Ils s’étaient pourtant déjà croisés, un jour de janvier 1996, autour du cercueil du patriarche ; les deux familles, celle que connait la France, et l’autre, dissimulée aux yeux du monde pendant de longues années, brièvement réunies le temps d’un office. Mais il aura fallu attendre dix-neuf ans avant qu’ils ne s’adressent la parole. La scène se déroule à l’été 2015. Mazarine a fait savoir à son demi-frère que sa mère souhaitait le rencontrer. Seulement 16 km séparent la fameuse bergerie de Latché de la maison qu’occupe l’ancienne conservatrice du musée d’Orsay à Hossegor. "Je connaissais la villa de vue. Quand on passait nos vacances à Hossegor avec mes parents, jusqu’en 1965, la notre était à 500m à peine", se souvient l’aîné des Mitterrand. "Adolescent, j’ai même dû connaitre Anne Pingeot, elle a deux ans de moins que moi… D’ailleurs, mon frère jouait au golf avec ses frères, mais sans le savoir…"
L’accord des héritiers. Dans le jardin de la villa, autour d’un café, Anne Pingeot lui révèle son intention de publier les quelque 1.200 lettres qu’elle a conservées de son père. "J’ai apprécié cette démarche, j’ai trouvé cela élégant de sa part", confie Jean-Christophe Mitterrand au JDD. D’un point de vue juridique, la correspondance de l’ancien chef de l’Etat appartient à ses héritiers. Ils ont dû formellement signer auprès des éditions Gallimard un document autorisant la publication des lettres, ainsi que celle d’un journal adressé à Anne et constitué de nombreux collages.
" Forcément, pour nous, il y a des dates qui vont résonner "
Une lecture difficile. Un an plus tard, Jean-Christophe Mitterrand découvre ces pages, "faites d’un amour intense" selon la formule d’Antoine Gallimard. "Je vais les lire petit à petit, cela va prendre du temps… Forcément, pour nous, il y a des dates qui vont résonner", explique-t-il à l’hebdomadaire. Une double publication qui donne à voir un autre visage du "sphinx", tout en tendresse et en poésie, loin du cynisme du politicien. "Dans notre famille à nous, on ne se touchait pas. On était sans effusion, sans contact physique. Et là, c’était apparemment le contraire".
L’épouse et la maîtresse. Disparue en 2011, Danielle Mitterrand, elle, n’aura jamais rencontré celle qu’elle appelait "la Pingeot". "Heureusement qu’elle n’a jamais lu ces lettres", juge Jean-Christophe Mitterrand qui se souvient d’une vie de famille normale, sans drame intime apparent : "Mon père a toujours habité rue de Bièvre. Il avait sa chambre, y dînait tous les dimanches soir, et on le voyait régulièrement. Jamais, mon frère et moi, n’avons eu le sentiment de problème entre nos parents."