Quelques mois avant le lancement des Jeux olympiques, L'Esprit Coubertin tombe à pic. Le premier long-métrage de Jérémie Sein nous emmène dans les coulisses du village olympique, que l'on découvre à travers les yeux d'un étrange personnage, celui de Paul Bosquet, champion de tir surdoué, très maladroit et... puceau ! Benjamin Voisin, César du meilleur espoir masculin pour Illusions perdues, est totalement méconnaissable dans le rôle de ce gendarme pas très gâté physiquement, aux antipodes de ce que dégage l'acteur à la gueule d'ange. Le comédien de 27 ans dépasse ses limites accompagné d'une partenaire de choc, Emmanuelle Bercot drôlissime dans le rôle de Sonia, la coach très envahissante de Paul. C'est à l'hôtel Mob House de Saint Ouen que nous avons rencontré les deux stars, tout sourire et décontractées à quelques jours de la sortie du film. Interview.
Dans la première scène du film, Sonia embrasse langoureusement Paul. Comment avez-vous vécu cette scène ?
Benjamin Voisin : J'ai apprécié ce moment plus que tout au monde (Rires) ! Je n'arrêtais pas d'embêter Emmanuelle en lui faisant en décompte : "Emmanuelle dans cinq jours c'est la grosse pelle !".
Emmanuelle Bercot : Qu'est-ce que tu m'as charrié ! Honnêtement, je n'ai pas appréhendé cette scène parce que c'était toi. Benjamin est quelqu'un qui vous met facilement très à l'aise. C'est resté très rigolo, il n'y a pas eu de moments gênants.
Benjamin Voisin : Oui et puis le point le plus important de cette scène n'était pas tellement le bisou, mais plus de voir dès le début du film le côté renfermé, timide, et puceau de Paul et l'euphorie excessive de sa coach.
Emmanuelle Bercot : C'est vrai que pour Sonia, ce bisou ne veut rien dire, elle le fait dans le feu de l'action. Pour Paul, c'est tout autre chose ! Ça va bouleverser toute sa vie (Rires) !
C'était une évidence pour vous de jouer dans L'Esprit Coubertin ?
Emmanuelle Bercot : Alors, je n'ai pas tout de suite dit oui car j'ai trouvé le scénario du film très chelou. Je me suis demandée : "Qui est le gars qui a écrit ça ? Qu'est-ce qu'il a dans la tête ?". C'était évident pour moi de faire partie de ce film-là une fois que j'ai parlé à Jérémie.
Benjamin Voisin : J'ai ressenti la même chose qu'Emmanuelle. Si Jérémie avait été un mec foufou, je n'y serais peut-être pas allé. Mais là, je voyais bien que c'était très étudié et que ce film lui avait coûté beaucoup. J'ai bien aimé le courage de Jérémie qui est venu me chercher moi pour jouer dans une comédie. Il savait qu'il allait perdre un peu d'argent en faisant ce choix. Il n'a pas choisi la carte de la facilité non plus au niveau du scénario. Je me suis dit qu'il voulait se bagarrer et ça m'a plu.
Emmanuelle Bercot : C'est vrai que son idée de casting était audacieuse ! Jérémie ne s'enferme pas dans les clichés et les choses convenues, sinon il ne serait pas venu nous chercher. Il est plus curieux que la plupart des gens. Tout ça donne une identité au film.
C'est vrai que vous changez tous les deux de registre avec ce film. Avez-vous apprécié l'exercice de la comédie ?
Emmanuelle Bercot : C'était la deuxième fois qu'on me proposait de jouer dans une comédie donc je me considère effectivement comme une débutante dans ce genre-là. J'apprends de film en film mais c'est très porteur d'être dirigé par un réalisateur comme Jérémie qui sait exactement ce qu'il veut. Ce qu'a fait Benjamin est beaucoup plus dur ! Il a dû créer une véritable composition. De mon côté, certes le personnage est loin de moi mais je reste quand même assez naturelle dans ma façon d'exister dans le film.
Benjamin Voisin : C'était tout nouveau pour moi ! Pour le personnage de Paul, je me suis inspiré de la girafe. J'ai vu un reportage animalier où je voyais une girafe en train de boire dans un étang. Un tigre s'approchait d'elle et elle ne bougeait pas pour essayer de ne pas être vue, alors qu'on ne voyait qu'elle. Je me suis dit que c'était exactement Paul Bosquet ! Quand il rentre dans une pièce, tout le monde ne voit que lui parce qu'il est trop tendu et très bizarre. Penser à la girafe était un super moyen mémotechnique pour retrouver le personnage de Paul très rapidement au moment où on nous disait "moteur".
Benjamin, le réalisateur vous a sacrément enlaidi pour ce rôle ! Vous êtes totalement méconnaissable avec votre bouc roux et votre coiffure en arrière...
Benjamin Voisin : Vous trouvez qu'on m'a enlaidi ? Ah ça je le prends très mal (Rires) ! Plus sérieusement, j'ai adoré cette métamorphose. J'ai tout laissé pousser puis Jérémie a décidé de la coupe la plus moche pour le rôle. Il fallait qu'il y ait un côté militaire aussi, donc on a rasé derrière et sur les côtés. À partir de ce moment-là, je ne me suis plus du tout regardé dans un miroir pendant les 23 jours du tournage.
Emmanuelle Bercot, votre personnage mâche du chewing-gum à longueur de journée. Vous n'avez pas eu mal à la mâchoire ?
Emmanuelle Bercot : Non pas du tout parce que dans la vie, je mâche des Nicorette toute la journée. Personnellement, ça m'arrangeait parce que d'habitude, je dois jeter mon chewing-gum à chaque début de scène. Là, je pouvais enfin vivre normalement (Rires) !
Et vous vous êtes habituée au look de Sofia avec ses tresses plaquées en arrière ?
Emmanuelle Bercot : C'est moi qui ai eu l'idée des nattes ! Je trouvais que ces tresses lui donnaient un côté un peu pathétique, ridicule. Mais stylé aussi. C'était très important de trouver un look aussi pour elle, même s'il est bien moins poussé que celui de Paul Bosquet.
Est-ce que vous êtes d'accord avec Pierre Coubertin, qui disait que l'important c'est de participer ?
Emmanuelle Bercot : Je suis complètement dans l'esprit Coubertin ! Alors que Benjamin est au contraire très compétiteur.
Benjamin Voisin : Oui, je suis trop dans la compétition... Le problème est que je suis très mauvais perdant, mais aussi très bon gagnant. Quand je gagne, ça ne me fait strictement rien ! Je passe à autre chose rapidement. Mais quand je perds, ça m'habite. C'est super chiant ! (Rires)
Le mot du réalisateur Jérémie Sein : Dès le départ, j'ai eu cette idée d'un personnage hyper empêché socialement et amoureusement, et de sa coach qui a une emprise sur lui. Sonia est à la fois le médicament et le poison pour Paul Bosquet. Il ne serait pas sportif de haut niveau si elle ne l'avait pas embrassée et en même temps, elle le garde près d'elle pour vivre son rêve par procuration. Elle n'est que dans le ressassement du passé parce qu'elle aurait voulu faire les JO. Le film est aussi sur la perte de sens et l'absurdité de la compétition.