La France a découvert Sandrine Bonnaire lorsqu'elle n'avait que 15 ans, sur le pont d'un bateau ou sous les draps d'un lit, en amante un peu ennuyée. C'était en 1983, dans À nos amours, film de Maurice Pialat. Trente-huit ans plus tard, au micro de Michel Denisot sur Europe 1, l'actrice revient sur l'importance qu'a eu le réalisateur dans sa carrière. "C'est mon mentor. C'est lui qui m'a tout appris, qui m'a donné mes premiers pas dans ce métier", raconte-t-elle. "Et c'est vrai que j'ai gardé sa méthode de travail qui n'était pas des moindres."
"Il y a des actrices qui ne sont bonnes que dans un film"
Car lorsqu'elle passe l'audition, Sandrine Bonnaire ne rêve pas d'être actrice, loin de là. Elle se voit plutôt chanteuse. C'est sa sœur qui s'est inscrite au casting, mais elle est absente. Sandrine Bonnaire y va donc à sa place. Au départ, elle ne postule que pour faire de la figuration. Finalement, le rôle titre lui donne l'occasion de faire montre de toute sa sensualité.
Maurice Pialat lui redonnera un rôle deux ans plus tard, dans Police. Mais c'est une autre personne qui va confirmer la carrière de Sandrine Bonnaire la même année : Agnès Varda. Dans Sans toit ni loi, sorti en 1985, la comédienne interprète une vagabonde au destin tragique. "Le film de Pialat était une révélation, on ne me connaissait pas. On pouvait douter de mes capacités parce qu'il y a des actrices qui ne sont bonnes que dans un film, ou qui n'ont l'histoire que d'un film. Mais Sans toit ni loi m'a vraiment confirmée dans le métier."
"Ils m'ont rendue sereine malgré leur mauvais caractère"
À nos amours lui offre le César du meilleur espoir féminin. Sans toit ni loi celui de la meilleure actrice. Le film d'Agnès Varda "a été très impactant de par son sujet, et la manière dont [la réalisatrice] l'a tourné, bien sûr", confirme Sandrine Bonnaire. Mais il a surtout "prouvé, en tout cas pour les autres, que j'étais une actrice capable d'avancer, de continuer à faire des films."
Encore aujourd'hui, la comédienne rend hommage à ces deux mentors qui l'ont "accompagnée" et l'ont "rendue sereine, malgré leur mauvais caractère à tous les deux". "Ils m'ont rendue sereine parce qu'ils ont changé mon destin. Je n'étais pas amenée à faire ce métier. Je ne sais pas, d'ailleurs, ce que j'aurais fait si je ne les avais pas rencontrés."
Maurice Pialat et Agnès Varda "m'ont permis de m'exprimer, m'ont donné la chance de changer ma vie sociale, de gagner de l'argent, d'être indépendante, d'être reconnue", salue encore Sandrine Bonnaire. Surtout, ils lui ont donné la possibilité "de pouvoir dire non, de pouvoir dire oui". Et ça, estime-t-elle, "c'est merveilleux".