Le Mustang est le cheval emblématique du Western, indompté. C'est aussi le titre du premier film de la réalisatrice turque Deniz Gamze Ergüven, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du dernier Festival de Cannes. On fait la connaissance de cinq jeunes filles, orphelines, belles et vives qui, à la sortie de l'école, vont se baigner toutes habillées avec des garçons dans la mer noire (les paysages, au passage, sont magnifiques.)
Leur seul crime est là, d'être montées sur les épaules de garçons et de s'être amusées dans l'eau avec eux. Mais aux yeux de leur oncle et tante qui les élèvent dans leur petit village reculé de Turquie, ça ne passe pas. Les sœurs sont accusées de s'être "frottées" aux garçons et sont enfermées. La maison familiale se transforme peu à peu en prison. Pourtant, la captivité "ne viendra pas à bout de la force de vie de ces jeunes filles exubérantes", raconte Bruno Cras, spécialiste cinéma à Europe 1.
"La caméra du côté des filles." Deniz Gamze Erguven est née à Ankara. Son film, qui se déroule en Turquie, rend hommage à ses origines mais parle aussi de la Turquie contemporaine. "Pour la première fois, la caméra est du côté des filles", a déclaré la réalisatrice qui a voulu raconter ce que signifie d'être une fille, une femme dans ce pays aujourd'hui. Deniz Gamze Erguven montre aussi à quel point rien n'est acquis en mettant en exergue les paradoxes de la Turquie. Le pays est en effet l’un des premiers pays à avoir légalisé le droit de vote des femmes dans les années 30 (contre 1944 pour la France), mais les valeurs conservatrices, qui gagnent du terrain, remettent en cause des droits fondamentaux comme celui de disposer de son propre corps. C'est ce que tend à dénoncer Mustang, récit initiatique d'une émancipation.
Deniz Gamze Ergüven a fait ses études en France, à la Fémis. La réalisatrice turque allie un film engagé, humaniste, à une facture très grand public. "Il faut absolument aller voir ce premier film", assure Bruno Cras, qui décrit un film "lumineux".