Parmi les icônes de la vie de Nicolas Bedos, il y a évidement son père, décédé en mai à l'âge de 85 ans. Guy Bedos est mort à quelques mois du début du procès des attentats de janvier 2015, et à une époque que son fils juge riche en polémique stériles. "Je suis extrêmement troublé que mon père ait disparu l'année qui, en tout cas à ma connaissance, est la pire année pour la liberté d'expression qui soit", souffle-t-il au micro de Michel Denisot dans Icônes, le nouveau podcast d'Europe 1, à retrouver également chaque samedi matin à 8h45 dans Europe Matin week-end, présenté par Pierre de Vilno.
"On était tous dehors au moment des attentats de Charlie Hebdo"
"Il n'y a pas une journée, il n'y a pas une semaine où elle n'est mise à mal", estime Nicolas Bedos, toujours à propos de la liberté d'expression. "J'ai l'impression d'avoir 175 ans tellement je suis consterné par ce que j'observe. (...) Des jeunes gens de 20 ans, que j'ai croisés cet été, tenaient à ma table des propos qui me donnaient envie de chialer : 'Oui, mais après tout, peut-être, à la limite, qu'il ne faut plus rire de ça, qu'il faut plus parler de ci...'." Et de rappeler : "On était tous dehors au moment des attentats de Charlie Hebdo. Et c'est en ce moment le procès de Charlie Hebdo, que je suis quotidiennement. Mais mon Dieu, on n'est plus Charlie du tout. (...) Le droit au blasphème, c'est terminé."
Déplorant une époque où "tout est prétexte, à un moment donné, à se prendre une volée de bois vert", le fils de Guy Bedos martèle, au contraire, "qu'il faut continuer à parfois se tromper". "Je crois qu'une bonne vanne, celle qui dure, en général, c'est celle qui flirte avec le fait d'être athée. Parce que si elles sont balisées, si elles sont évidentes, elles ne vont pas gratter quiconque, elles ne vont pas surprendre quiconque. (...) C'est nécessaire dans notre quotidien, d'être choqué." Le réalisateur du troisième volet de la série OSS 117, Alerte rouge en Afrique noire, en salles en février 2021, cite une préface du dramaturge allemand Bertolt Brecht, "qui disait qu'il choisissait de décrire le monstre, c'est-à-dire le fascisme, le racisme, la misogynie, la violence physique, l'homophobie..."
"Pourquoi ? Parce qu'en décrivant des personnages qui l'étaient, il pensait que c'était le meilleur moyen pour que la société ne le soit pas", détaille Nicolas Bedos. "Le jour où on ne pourra plus du tout montrer le mal à travers la fiction ou à travers l'humour, (...) il faut bien qu'il se niche quelque part, peut-être dans nos actes", craint-il. "Une blague ou une chanson n'ont jamais tué personne. En revanche, il y a des types qui ont tué des gens."
"J'espère qu'on va se battre" pour la liberté d'expression
Le combat est-il, alors, déjà perdu ? "Je n'espère pas", répond l'humoriste. "J'espère qu'on va se battre. Parce que moi, ce qui me fascine, c'est que les gens que je croise dans la rue, les gens qui viennent me parler, les ami-e-s que j'ai, sont tous plus ou moins d'accord. Mais quand on allume cette espèce de fenêtre du diable qu'est le téléphone portable, Instagram, Facebook ou Twitter, tout ça, on ne lit que des conneries. (...) Alors ce que j'attends, ce que j'appelle de mes vœux, avec de l'émotion, c'est que les gens se révoltent. C'est qu'à l'occasion de la sortie de tel ou tel bouquin, quand on essaie de censurer telle ou telle blague qu'on sort de son contexte, ou pour telle ou telle interview de chanteuse à qui on va chercher des noises et qui fout en l'air une promo et tout un discours beaucoup plus large, je rêve d'un moment où on va tous se serrer les coudes et dire : 'ça suffit'."