"Extraordinaire", "incroyable", "formidable"... Isabelle Huppert est sur un petit nuage. La Française fait partie des cinq actrices à être nommées pour l'Oscar du meilleur premier rôle pour sa performance dans le film Elle, de Paul Verhoeven. Un rôle pour lequel elle a déjà reçu le très convoité Golden Globe de la meilleure actrice dans un film dramatique. Avec cette nomination annoncée mardi, débute pour l'actrice française une opération séduction, digne d'une campagne présidentielle. Le vrai travail de lobbying commence maintenant.
L'objectif ? Séduire 6.200 votants. Un marathon comparable à une campagne électorale s'engage dès les nominations, avec un seul objectif : séduire les 6.200 votants de l'Académie des Oscars composée de réalisateurs, de producteurs et autres directeurs de casting. La bonne nouvelle pour Isabelle Huppert, c'est que Sony Pictures a investi 2 millions d'euros pour cette campagne, selon le magazine de février Vanity Fair. Le distributeur a notamment recruté une attachée de presse spécialisée, dénommée "award publicist".
Des rencontres "fortuites" aux cartes de voeux personnalisées.Jean-Xavier de Lestrade, qui a obtenu un Oscar en 2002 pour son documentaire Un coupable idéal, se souvient de cette intense campagne. "À l'époque, il y avait une personne très influente, c'était Robert Redford. Donc il fallait absolument que Redford vienne à l'une des projections qu'on organisait. On avait trois attachés de presse en permanence. Eux savaient à qui parler, quels journalistes, qui rencontrer dans un bar lors d'une réception. Et donc ça veut dire vivre aux États-Unis pendant un mois avant le vote", raconte-t-il à Europe 1.
Et puis certains votants de l'Académie, les plus influents, ont également reçu des cartes de voeux signées par les stars elles-mêmes, avec un petit mot personnalisé. Voilà le vrai travail de ces "award publicists". Pour The Artist par exemple (qui a remporté cinq Oscar en 2012), Hervé Weinstein, l'un des producteurs les plus influents à Los Angeles, avait déployé toute son armada. Résultat, le film était le plus cité dans la presse juste avant les Oscars.
Une couverture à 80.000 dollars. Car les journalistes sont aussi de la partie dans cette course à la distinction. Et cela passe par les plateaux de télévision avec 30 à 40 interviews par jour parfois, en plus des Unes de magazines. Sony aurait par exemple payé 80.000 dollars (soit 74.600 euros) pour qu'Isabelle Huppert face la couverture du magazine américain Variety, une pratique courante aux États-Unis.
Il faut vendre une "story", l'histoire de la petite "frenchie" qui a tourné avec les plus grands depuis 50 ans et qui mérite enfin son Oscar. D'ailleurs pour mieux séduire, Isabelle Huppert est allée jouer Phèdre, en septembre dernier, dans un théâtre de Brooklyn, pour y inviter des critiques, et montrer toute sa palette d'actrice.
Un jackpot à la clé. Si l'acteur et le distributeur donnent autant de leur personne, c'est parce que l'enjeu est de taille. Un Oscar, c'est le jackpot pour le distributeur et le producteur du film, qui est acheté dans le monde entier, et ressort dans beaucoup de salles. L'acteur ou l'actrice primé(e) verra inscrit au générique "Oscar de la meilleure actrice", et pourra rajouter un zéro à son cachet.
Jusqu'à présent, Isabelle Huppert, était en train de tourner le prochain film de Benoît Jacquot. Dans quelques jours, elle retournera aux États-Unis pour poursuivre sa campagne jusqu'à la cérémonie, le 26 février prochain.