Avec "1917", sorti en salles le 15 janvier, le réalisateur Sam Mendes nous offre une vision très personnelle de la Première Guerre Mondiale. Dans ce nouveau drame historique, deux jeunes soldats britanniques se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies. Sam Mendes revient sur la création du film dans un entretien exclusif accordé à Mathieu Charrier, spécialiste cinéma, que vous pouvez écouter dans le podcast "Plan Séquence", en partenariat avec Universal Pictures (ci-dessus).
Une histoire racontée en temps réel
Le réalisateur a voulu raconter l’histoire en temps réel, comme dans un unique plan-séquence, ce qui implique que le spectateur s'attache aux pas des personnages et plonge dans leur mission chaotique. L’immense chef opérateur Roger Deakins (qui est notamment le collaborateur privilégié des frères Coen) a cherché à créer l’éclairage le plus authentique possible et s'est donc surtout appuyé sur les lumières naturelles. La lumière du soleil crée des ombres, ce qui rend les scènes plus difficiles à tourner et pose problème du point de vue de leur continuité. L’équipe a donc prié pour que le ciel reste constamment couvert.
A l'origine du film
"1917" est né des récits que le grand-père du réalisateur, Alfred H. Mendes, lui racontait : il lui parlait ainsi de l'époque où il était Première Classe pendant la guerre et des personnages hauts en couleurs qu'il a croisés à cette occasion. En 1917, Alfred, 19 ans, s'était engagé dans l'armée britannique. En raison de sa petite taille (1m62), le soldat a été choisi pour délivrer des messages sur le Front de l'Ouest. "La première fois que j'ai compris la réalité de la guerre, c'est quand mon grand-père m'a raconté son expérience de la Première Guerre mondiale", explique Sam Mendes. "Le film ne relate pas l'histoire de mon grand-père, mais s'attache plutôt à évoquer son esprit – ce que ces hommes ont subi, leurs sacrifices, et leur foi en quelque chose qui les dépassait."
Sam Mendes s'est documenté sur les témoignages de cette époque, dont la plupart sont conservés à l'Imperial War Museum de Londres. Tout en prenant des notes, le cinéaste a commencé à réunir des fragments de récits dans lesquels les hommes passaient du courage à la terreur. Peu à peu, il s'est mis à les organiser afin d'obtenir une structure de récit cohérente. À partir des récits fragmentés de son grand-père, des témoignages d'époque recueillis à l'Imperial War Museum et de l'idée d'une expédition des plus périlleuses sur la Ligne Hindenburg, Mendes a élaboré la structure du récit qui allait devenir "1917". "Comme tous les grands films de guerre que j'admire, de "À l'ouest, rien de nouveau" à "Apocalypse Now", je tenais à imaginer une fiction inspirée de faits réels", indique le cinéaste.
Des interprètes relativement méconnus
Lorsque Sam Mendes a auditionné les acteurs pour incarner les deux jeunes soldats, il était primordial que les spectateurs puissent vivre l’histoire à travers les visages de comédiens relativement méconnus. George MacKay, second rôle dans "Captain Fantastic", incarne donc le Première Classe Schofield et Dean-Charles Chapman repéré dans "Game of Thrones" incarne le soldat de Première Classe Blake. "Le film évoque le périple de deux jeunes soldats et, au premier abord, ordinaires. Idéalement, je voulais que le public n’ait aucun a priori sur eux", reprend le réalisateur. "C’est un véritable luxe d’avoir bénéficié du soutien sans faille du studio, de pouvoir faire un film de cette envergure avec deux acteurs dans les rôles principaux qui sont pour ainsi dire nouveaux dans le métier".
>> Le film est nommé dans 10 catégories (dont meilleur film et meilleur réalisateur) aux Oscars qui se tiendront le 9 février à Los Angeles
>> Le réalisateur tenait à ce que chaque personne participant au tournage soit investie à 100%. "C’est comme ça que j’ai voulu filmer 1917", affirme Sam Mendes. "Je voulais que les gens réalisent à quel point c’était difficile pour ces hommes. On retrouve cette idée à tous les niveaux".
>> Le film se passe principalement en extérieurs, si bien qu'on était tributaires de la luminosité et de la météo", souligne le chef opérateur Roger Deakins. "On s’est d’abord rendu compte qu’on ne pouvait pas vraiment éclairer les scènes. Si l’acteur court dans une tranchée et que la caméra tourne à 360°, pas moyen de mettre un projecteur quelque part. Comme on tournait dans l’ordre chronologique, il fallait que le ciel reste nuageux pour qu’on garde une progression logique entre les scènes. Certains matins, il y avait du soleil et on ne pouvait pas tourner. Du coup, on répétait à la place".
>> Pour les deux comédiens, le tournage a été marquant et dépasse largement le cadre professionnel. "C'est un film d'une envergure exceptionnelle, mais le propos est intime", remarque George MacKay. "Il s'agit de deux hommes, deux types simples, qui sont contraints d'accomplir une mission extraordinaire. On apprend à les connaître et à les comprendre et, grâce à leur parcours, on comprend mieux les autres soldats qu'ils croisent sur leur route".