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Solène Delinger / Crédit photo : SYSPEO/Sipa , modifié à
Alain Delon est décédé ce dimanche à l’âge de 88 ans. Le monument du cinéma français a vécu une vie hors du commun, faite de rencontres, de succès et de colères…

Plein Soleil, Rocco et ses frères, Borsalino, autant de grands classiques du cinéma français dont le nom d’Alain Delon est indissociable. À 88 ans, l’une des légendes du cinéma français s’est éteinte. Si l’homme a été rendu célèbre grâce au cinéma et à ses relations amoureuses très médiatisées, il s’est également avéré être un homme d’affaires avisé. La fin de sa vie a été marquée par un retour sur les planches et à la télévision, mais aussi par des prises de positions polémiques.

Une enfance compliquée

Alain Delon est né le 8 novembre 1935, dans la banlieue parisienne. Fils de Fabien Delon, le directeur d’un cinéma de quartier, et de Edith Arnold, préparatrice en pharmacie, le Guépard ne passe pas une enfance simple. Ses parents divorcent alors qu’il n’a que 4 ans. Il est alors placé dans une famille dont le père était gardien de la prison de Fresnes. "Pour aire de jeux, il y avait l’enceinte de la prison, et pour compagnons, les enfants des gardiens", décrivait Libération en 1997.

"Comme j’étais gênant, de chez mes parents nourriciers je suis parti directement en pension", confiait alors l’acteur au quotidien. Quelques années plus tard, à 17 ans à peine, Alain Delon s’engage prématurément dans l’armée. Il part servir en Indochine dans la marine. Il revient en métropole en 1956, époque où il commence à fréquenter le Paris du quartier Saint-Germain.

Une légende du cinéma

C’est dans ce contexte que Jean-Claude Brialy le rencontre. Il donne alors l’opportunité à Alain Delon de se faire remarquer lors d’un passage au festival de Cannes. Sa carrière débute, sans que personne ne s’y attende, pas même lui. "Un acteur c’est une personnalité, forte en général, prise et mise au service du cinéma par un concours de circonstances", reconnaissait-il dans Le Monde en 2003.

Les années 1950 sont pour lui l’occasion de se faire connaître du grand public. En 1958, il tourne son premier film avec Yves Allégret dans Quand la femme s’en mêle, puis un autre dirigé par Marc Allégret, frère de, avec Jean-Paul Belmondo dans Sois belle et tais-toi. Un an plus tard, il rencontre Romy Schneider sur le tournage du film Christine. Leur amour est placé sous les feux de la rampe, leurs fiançailles se déroulent devant la presse. Les deux canons de beauté représentent alors tout ce qu’il y a de plus glamour et sont encensés par le milieu médiatique.

Entre 1960 et 1980, il tourne dans la plupart des films qui feront sa renommée. Il prend part à de nombreux longs métrages devenus des classiques de l’époque : Plein Soleil, Le Guépard, Mélodie en sous-sol ou encore Borsalino, qui consacre sa rivalité avec l’autre belle gueule du cinéma français, Jean-Paul Belmondo. Ce n’est pourtant qu’en 1985 que le milieu du cinéma récompense Alain Delon en lui décernant le César du meilleur acteur, pour son rôle dans le polar Notre Histoire, de Bertrand Blier.

Un homme à femmes

Au sommet de la célébrité, la relation orageuse Delon-Schneider ne résiste pas. Les deux acteurs se séparent en 1964. Lors d’une soirée, il rencontre peu de temps après Nathalie, qui deviendra à son tour une Delon. "Ils avaient la vingtaine et des beautés jumelles. Il était déjà célèbre (...). Elle portait une jupe écossaise. Il avait bu, il lui a vomi dessus. Ils ne se sont plus quittés", raconte Libération en 2006. De leur union naît rapidement, à Hollywood, Anthony, le premier fils de l’acteur.

La nouvelle idylle d’Alain Delon ne durera pas plus longtemps que la précédente. Après environ cinq ans, l’acteur annonce la rupture à sa compagne... alors qu’il sait que cette dernière veut le quitter. Il se console rapidement dans les bras de Mireille Darc, qu’il a rencontrée sur le tournage de Jeff, de Jean Herman en 1968. Leur relation durera cette fois-ci une quinzaine d’années, mais le couple se sépare. Une malformation cardiaque empêche l’actrice de porter un enfant au risque de mourir. Alain Delon en veut d’autres.

C’est avec Rosalie van Breemen que ce vœu sera finalement exaucé. L’acteur rencontre la mannequin hollandaise en 1987 lors du tournage d’un clip musical. Sa fille Anouchka naît en 1990, son fils Alain-Fabien, en 1994. Le couple se sépare au début des années 2000.

Un retour sur les planches

Les années 1990 coïncident avec le creux de la carrière d’Alain Delon. Elles sont notamment marquées par l’échec retentissant du film Le Jour et la nuit, réalisé par Bernard-Henri Levy, en 1997. Malgré une promotion colossale, le film est un ratage commercial et se fait allumer par la critique. Les Cahiers du Cinéma parleront alors du "plus mauvais film depuis 1945". En 1999, il déclare mettre fin à sa carrière cinématographique, même s’il réapparaîtra à nouveau à l’écran plusieurs fois par la suite.

Le salut de l’acteur passe alors par le théâtre et la télévision. Il rencontre notamment le succès grâce à des téléfilms comme Fabio Montale pour TF1 ou Franck Riva sur France 2. Il poursuit sa carrière sur scène avec des adaptations de Sur la route de Madison ou encore Love Letters. En mai 2017, il annonce qu’il tournera dans un "tout dernier film", réalisé par Patrice Leconte.  

L’homme d’affaires…

Alain Delon a également su faire de sa personne un produit lucratif. Dès 1978, il crée une société de produit de luxe "Alain Delon Diffusion SA" en Suisse. Par ce biais, il distribue un peu partout dans le monde des produits qui portent son nom, notamment des parfums qui connaissent un succès énorme en Asie, mais aussi de l’alcool, des montres, des lunettes, des cigarettes.

Dans les années 2000, il devient égérie de la marque de lunettes Krys et du parfum Eau Sauvage, qui reprend les images tournées dans le film La Piscine. Cette facette de sa personnalité lui vaudra d’être moqué pour la haute estime qu’il semble avoir de lui-même. Cette image prendra notamment forme au travers des Guignols de l’Info et de sa marionnette qui ne s’exprime qu’à la troisième personne. Il n’empêche, la fortune de l’acteur était estimée à environ 15 millions d’euros en 2010 par le magazine Capital.

Aux positions polémiques

Ces dernières années, la vie du Guépard a été marquée par plusieurs interventions médiatiques polémiques. En septembre 2013, il affirme par exemple que "l’homosexualité est contre nature", sur le plateau de l’émission C à Vous de France 5, devant sa fille Anouchka, médusée. Cette dernière postera d’ailleurs rapidement un message sur Twitter pour se désolidariser.

À peine un mois plus tard, Alain Delon salue cette fois implicitement la progression électorale du Front national dans une interview donnée au quotidien suisse Le Matin. "C’est consternant ! C’est un acteur. Il ferait mieux de tourner des films et de nous offrir une fin de vie à la Clint Eastwood plutôt que de s’improviser politologue", réagit alors son fils dans le Grand Journal. Et ce n’était pas la première fois que l’acteur montrait sa sympathie pour la famille Le Pen. "C’est un ami de très longue date, je suis un sympathisant de Mr Le Pen", avait-il déclaré sur France 2 quelques mois avant la présidentielle de 1988, sans pour autant annoncer voter pour son parti.

Une fin de vie marquée par des soucis de santé

Alain Delon avait donné des nouvelles de santé le 29 mai 2022 dans les colonnes du JDD. Il assurait se sentir "physiquement plutôt bien" depuis son AVC en 2019. L’acteur avait également évoqué le sujet de la mort, confiant "ne pas avoir peur" de partir. "Je n’ai pas peur de mourir mais j’ai peur de souffrir. Je ne veux pas finir dans un lit d’hôpital", déclarait-il. La star a toujours affirmé être favorable à l’euthanasie et au droit à mourir dans la dignité. En 2021, Alain Delon avait également révélé vouloir tourner un dernier film, "celui qui restera pour toujours". "Et après je pourrai partir, je n’aurai plus rien d’autre à faire", concluait-il.