On ne connaît pas critique plus sévère envers le cinéma français. Éric Neuhoff, qui publie Sur le vif aux éditions du Rocher, n'aime rien tant que répéter qu'il y a trop de films qui sortent, tous ou presque bien trop mauvais, réalisés sans envie ni passion. Celui qui regrette François Truffaut et Claude Chabrol, pleure les années 1970 à longueur de temps et de pages et conspue un 21e siècle "aseptisé", était l'invité dimanche de l'émission "Il n'y a pas qu'une vie dans la vie", sur Europe 1. Il en a profité pour expliquer sa relation aux gens du cinéma, notamment les acteurs. Ou plutôt, son absence de relation avec eux.
"On risque toujours d'être déçu"
"Je ne connais pas les acteurs, je ne veux pas les rencontrer", confie d'emblée Eric Neuhoff. C'est une question de liberté, d'abord. "Il y en a forcément qui sont sympathiques et après, on ne peut pas dire ce qu'on pense du film dans lequel ils jouent. [Ne pas les connaître], c'est mieux pour être libre."
Autre risque : être déçu. "Il vaut mieux ne pas connaître les gens qu'on admire. C'est la fameuse phrase de Proust qui dit 'ne me présentez pas un écrivain dont j'ai aimé les livres, ce serait comme rencontrer une oie après avoir mangé du foie gras'. On risque toujours d'être déçu." À quelques exceptions près, notamment le scénariste Jean-Loup Dabadie, avec lequel Eric Neuhoff a trouvé "épatant" de discuter, le critique de cinéma prend donc bien soin de ne rencontrer personne.
Des acteurs français "tristes, ternes, conformistes"
Ce qui lui évite également de se confronter aux personnes qu'il assassine dans ses livres, ses essais et ses interviews. Celle sur l'antenne d'Europe 1 n'a pas fait exception. Les acteurs français ? "Ils feraient mieux de flamber. Quand on regarde la cérémonie des César, on se demande ce qu'ils ont, pourquoi ils sont aussi tristes, ternes, conformistes. Quand on voit les acteurs américains, ils sont beaucoup plus flamboyants", estime Eric Neuhoff. Leurs homologues tricolores "se coulent dans un moule, ont peur, n'osent pas s'amuser".
Les actrices ne sont pas épargnées. Dans son essai Très cher cinéma français, opération de dézingage en règle de toute une industrie et celles et ceux qui y participent, Eric Neuhoff avait pris pour cible Isabelle Huppert. "À cinquante ans, elle se crut sensuelle. Par la suite, elle ne cessa de rajeunir. Drôle d'idée pour cette petite dame pincée qui trottine d'une démarche furibarde parce qu'on ne lui a pas laissé assez de pourboire. Elle est sexy comme une biscotte [...] Sa boulimie de pellicule contraste avec son gabarit tout en rétention."
Aujourd'hui, Eric Neuhoff se défend de toute attaque personnelle contre l'actrice. "Isabelle Huppert est un symbole. Comme elle joue dans cinq films par an, des films d'auteur, c'est la caricature." Et puis lui, qui a eu une trentaine d'années à la fin des années 1970, se souvient qu'"à l'époque, il fallait choisir son camp entre Huppert et Adjani, de Gaulle et Mitterrand, les Beatles et les Rolling Stones. Moi j'étais pour Adjani."