Beaucoup d'auteurs en rêvent. Quelques heureux élus l'obtiennent. Pierre Lemaitre en a fait des cauchemars. L'écrivain a obtenu en 2013 le prix Goncourt pour son roman Au revoir là-haut. Mais Pierre Lemaitre a eu tellement de mal à réaliser qu'il avait obtenu cette prestigieuse récompense littéraire, qu'il a cru qu'on allait la lui retirer. Un cauchemar qu'il raconte dimanche au micro d'Isabelle Morizet dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie.
"Je salue l'Académie Goncourt, qui a eu, à mon avis, la volonté et le courage de couronner un livre qui se présentait volontiers à la fois, comme un roman populaire et comme un roman d'aventures", explique Pierre Lemaitre, avec une modestie qui laisse ainsi apparaître les raisons pour lesquelles il a eu du mal à accepter son sacre.
"Pierre, on s'est trompé, rendez-nous le Goncourt !"
"Ce sont deux labels qui ne sont pas extrêmement bien vus par les professionnels de la littérature : la littérature populaire, ça fait mauvais genre, et le roman d'aventures, ça fait plutôt classe enfantine. Donc, je n'étais, a priori, pas un homme très qualifié pour le Goncourt. J'avais une crise de légitimité, mais mettez-vous à ma place : je recevais le Goncourt pour un livre que personne n'avait vu venir."
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Et cette crise de légitimité face au prix Goncourt a infusé jusqu'au subconscient de l'écrivain. "Dans mes rêves, Bernard Pivot me disait 'Pierre, on s'est trompé, rendez-le-nous !'. Mais mon problème était que je ne sais pas ce qu'il fallait rendre. Je n'avais rien dans les mains !", s'exclame l'auteur sur Europe 1. "Et je ne pensais pas dans mon rêve que l'on remet au lauréat ce chèque symbolique de 10 euros et que j'aurais pu rendre ce chèque. Je ne savais pas quoi faire."
Suffisamment désagréable la première fois, ce cauchemar a hanté Pierre Lemaitre à plusieurs reprises. "C'était récurrent", se souvient-il. "Pas pendant très longtemps, mais c'était un début de malaise qui m'a mis en difficulté." C'est finalement le temps qui a permis à l'écrivain de sortir de cette crise de légitimité, définitivement anéantie en 2018 par les 5 César rempotés par le film adapté de son roman. Pierre Lemaitre repartira ainsi avec le César de la meilleure adaptation, qu'il partage avec Albert Dupontel.