Un peu plus de deux mois après la sortie de son dernier film, Pentagon Papers, Steven Spielberg est déjà de retour et ce, dans un tout autre registre. Avec son nouveau long-métrage, Ready Player One, l'Américain revient à la science-fiction en portant à l'écran un roman d'Ernest Cline, paru en 2011 et truffé de références à la culture geek des années 1980. L'adaptation de cet ouvrage par Steven Spielberg sonne comme une évidence. Qui de mieux que celui qui est considéré comme "le roi de l'entertainment" hollywoodien, pour nous plonger dans un monde imaginaire qui a fait du divertissement une raison de vivre ?
Visuellement bluffant. En 2044, le monde est frappé par des soucis majeurs : famines, pauvreté, guerres. Pour échapper à cette tragique réalité, les populations s'immergent dans l'OASIS, un dispositif de réalité virtuelle dans lequel n'importe qui peut se divertir à outrance. Créé par un génie du nom de James Halliday, ce monde annexe est un espace de liberté sans limite. À sa mort, le créateur a décidé de léguer sa fortune et sa création à la personne qui réussira à trouver l'"easter egg" (fonction cachée dans un jeu vidéo) dissimuler dans l'OASIS. Pour cela, le joueur devra, au préalable, trouver trois clés qui le mèneront tout droit vers la cachette.
On plonge dans l'OASIS, en compagnie du héros Wade Watts, comme un gamin débarque dans un gigantesque parc d'attractions. Avec l'OASIS, Steven Spielberg trouve un territoire à la démesure de ses envies : un monde virtuel, dans lequel tout est possible pour les joueurs, et donc pour lui. La séquence introductive en est un bel exemple. On passe d'une partie de surf à Hawaï, à une descente en ski sur les Pyramides d'Égypte, avant de faire de l'escalade avec Batman.
Une fois dans l'OASIS, le cinéaste nous fait valser d'une scène à l'autre, à coup de longs plans-séquences bluffants, où des effets spéciaux spectaculaires en chassent des dizaines d'autres. Les mouvements de caméra défient les règles de la logique. Steven Spielberg est comme un cinéaste-enfant à qui l'on aurait confié un jouet enfin à sa taille, aussi joueur que le héros de son film Wade Watts.
Jouer, il en est encore question au sujet des références à la culture geek des années 1980. Elles étaient nombreuses dans le livre et le sont tout autant dans le film. Mais plutôt que de faire de Ready Player One un musée de vieilleries, Steven Spielberg s'amuse avec les références. Les rendre actives en les liant à l'action est encore le meilleur moyen d'éviter la surcharge nostalgique, le trop plein de clins d'œil jusqu'à l’écœurement.
Là où Ready Player One intrigue encore davantage, c'est que le film sonne comme une introspection pour Steven Spielberg. À la ville, le cinéaste est à la tête d'un empire. Réalisateur d'une trentaine de longs-métrages, qui vont du film de guerre, à la science-fiction, en passant par le drame et le thriller, l'Américain est aussi un producteur, fondateur d'Amblin Entertainment et de DreamWorks. Des studios à qui l'on doit Gremlins (1984), Retour vers le futur (1985), Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (1988) ou encore plus récemment Shrek (2001).
Difficile, donc, de ne pas voir une sorte de double de l'Américain dans le personnage de James Halliday, roi du divertissement, soucieux de son héritage, et créateur d'un monde virtuel où la variété des plaisirs est aussi large que la panel des genres traités par le cinéaste durant toute sa carrière. Si l'on ferme volontiers les yeux sur quelques défauts de Ready Player One, c'est sans doute parce que Steven Spielberg offre ici un visage plus mélancolique de sa personne. Comme un cinéaste-enfant qui commencerait à prendre conscience de son héritage d'adulte.