Rémi Guérin : "Jules Verne a été systématiquement rejeté par l'Académie française"
Traduit dans de multiples pays, reconnu de son vivant, l'auteur de science-fiction gardait une grande souffrance : celle de ne pas avoir été reconnu par ses pairs.
Jules Verne fêterait en 2018 ses 190 ans. En cette année anniversaire, Rémi Guérin vient de sortir le beau livre Jules Verne, Testament d'un excentrique, préfacé par Jean Verne, l'arrière petit-fils de l'écrivain de science-fiction . L'auteur était l'invité samedi de l'émission La voix est livre sur Europe 1.
"Des habitudes très spécifiques". Si les romans et les personnages de Jules Verne peuvent être qualifiés d'excentriques, pourquoi avoir choisi cet adjectif pour caractériser leur créateur ? "Je le trouve excentrique, souligne Rémi Guérin. J'avais une image très classique des grands auteurs de la littérature de cette époque. Et lui avait des petites habitudes très spécifiques." Même si, d'un côté, "il avait un rythme d'organisation de sa journée extrêmement précis", ce qui traduit plutôt un extrême contrôle, il prenait aussi, par exemple, "tous les journaux à la bibliothèque et il s'asseyait sur ceux qu'il ne pouvait pas lire pour être sûr que personne ne les emprunte", souffle Rémi Guérin. L'auteur a aussi choisi ce sous-titre en clin d’œil au roman de Jules Verne Le testament d'un excentrique.
"Au-delà de l'échec". Le livre grand format consacré à l'auteur de science-fiction contient reproductions manuscrites, archives et textes. On y apprend que le romancier avait un grand regret : ne pas avoir "compté dans la littérature française". Il s'était présenté à l'Académie française "à chaque fois qu'un fauteuil se libérait, parfois même avec des appuis. Il était très ami avec Alexandre Dumas fils", relate Rémi Guérin. "Et il a été systématiquement rejeté. Pour lui, ça allait au-delà d'un échec. Ça voulait dire que son talent n'était pas reconnu, qu'il ne comptait pas, que ses pairs ne le reconnaissaient pas et c'est quelque chose dont il a toujours souffert. Pourtant, il fait partie des auteurs qui ont la chance de connaître le succès de leur vivant" et qui ont révolutionné l'objet-livre, notamment grâce aux éditions Hetzel et leurs magnifiques couvertures illustrées.
La notoriété d'un capitaine Nemo. Même sans siège à l'Académie, son oeuvre perdure, au point d'avoir été adaptée sur écran et ses personnages charismatiques son mondialement connus comme Phileas Fogg ou le capitaine Nemo. "Il construisait ses personnages avec énormément d'attention, de détails, de crédibilité. Il voulait que ce soit totalement crédible. (...) Et ils étaient toujours un peu innovants. Ce sont des explorateurs ou des voyageurs qui nous faisaient rêver, qui font encore rêver." Tant et si bien que l'auteur, malgré des traductions mondiales multiples, souffre du même mal qu'Arthur Conan Doyle, celui d'être dépassé en notoriété par ses personnages, à l'image d'un Sherlock Holmes.