Nul besoin d'être un cinéphile averti pour, qu'à l'évocation du titre du film de Steven Spielberg, reviennent en tête les notes de la célèbre bande originale de John Williams. Inégalable et inimitable, Les dents de la mer est diffusé dimanche sur Arte, à 20h55. Et il serait dommage de passer à côté.
Les vieux hommes et la mer. L'intrigue, adaptée du roman éponyme de Peter Benchley, envoie le spectateur au beau milieu de la station balnéaire de l'île d'Amity. C'est là qu'un requin blanc sévit, d'abord auprès d'une jeune femme puis d'un enfant. Le maire décide alors d'offrir une prime à celui qui tuera ce monstre marin.
Le film vaut évidemment pour ses scènes de tension et de confrontation, lorsque le requin attaque. La mythique musique de John Williams accompagne ces instants comme une inquiétante berceuse. Mais Les dents de la mer vaut aussi pour ces instants où les trois chasseurs - incarnés par Roy Scheider, Robert Shaw et Richard Dreyfuss - sont livrés à eux-mêmes.
Après 90 minutes de film, les trois compères se retrouvent ainsi dans la cabine, autour de quelques bouteilles d'alcool, en pleine mer. Ils fendent l'armure. Un à un, ils se montrent leurs cicatrices, véritables écritures ensanglantées de leur histoire commune avec la mer. Le monologue de Robert Shaw sur le drame de l'USS Indianapolis (une histoire vraie) reste un moment particulièrement émouvant. Les dents de la mer devient alors bien plus qu'une simple chasse au gros poisson.
Une histoire de gros sous. Déjà génie, Steven Spielberg a su s’adapter aux conditions de tournages difficiles du film. Alors quelque peu entamé par l'échec au box-office de son premier film Sugarland Express, le réalisateur devait composer avec un budget réduit (environ deux millions de dollars) et un calendrier serré, au moment de se lancer dans l'aventure du film. Mais les problèmes s'accumulent. Les conditions de tournage, en décor naturel et voulues par Spielberg, posent des problèmes techniques et des soucis mécaniques au niveau d'un des trois faux requins viennent également perturber le tournage. Le cinéaste tourne la situation à son avantage. Si on ne peut pas voir le requin, alors le spectateur se glissera dans sa peau ! Au début du film, la caméra devient ainsi tour à tour spectatrice et prédatrice, lors des plans sous l'eau où le requin se rapproche de ses victimes. Il faut finalement attendre une heure de film avant d'apercevoir pour la première fois le requin.
Le budget du film, lui, ne sera pas respecté pour atteindre finalement 7 millions de dollars de budget. Une goutte d'eau dans l’océan quand on sait que le film rapportera finalement plus de 470 millions de dollars à travers le monde. Car avec Les dents de la mer, ce n'est pas seulement l'histoire de Spielberg qui s'écrit, mais aussi celle de l'économie du cinéma. Sorti à la fin du mois de juin 1975, le film est en effet souvent désigné comme le premier blockbuster de l'histoire. Un long-métrage qui donnera envie aux autres studios de production de profiter de l'été pour sortir leur film d'action à gros budget et atteindre un large public.