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"Shrill", série toute en finesse sur une jeune femme en surpoids

Margaux Baralon . 2 min

La série américaine "Shrill" débarque sur Canal+ ce lundi. En six épisodes de 26 minutes, elle décortique finement les atermoiements d'une jeune femme en surpoids qui prend subitement conscience de sa valeur et décide d'arrêter de se faire marcher sur les pieds. Un manifeste de la tendance du "body-positivisme".

L'histoire contée dans la série Shrill, diffusée sur Canal+ Séries et disponible sur la plateforme MyCanal à partir de ce lundi 23 décembre, est d'une banalité confondante. La jeune Annie vit en colocation avec sa meilleure amie, Fran. Elle travaille comme assistante pour un média en ligne ressemblant furieusement au site Vice, tout en espérant secrètement pouvoir y écrire des articles un jour. Et lorsqu'elle ne travaille pas, elle retrouve Ryan, tout en espérant qu'un jour, il la présentera (enfin) à sa famille au lieu de la faire discrètement sortir par la porte de derrière après leurs ébats. Un détail, mais un détail qui compte, vient compléter le tableau : Annie est grosse. Pas "ronde", pas "potelée", non, grosse, et ce sera bien répété tout au long des six épisodes de 26 minutes.

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Une oeuvre de normalisation plus que de revendication

Dans la lignée de Girls de Lena DunhamShrill est de ces séries "body-positive" qui montrent des corps de femmes normaux pour tout le monde sauf pour la fiction (pour laquelle les tailles au-delà du 38 n'ont longtemps pas existé). Avec une finesse et une subtilité encore trop rares. Car le surpoids d'Annie n'est absolument pas le moteur de la narration. C'est un aspect comme un autre de sa personnalité, qui s'ajoute à des aspirations professionnelles et privées appartenant au commun des mortels (ou, en tout cas, des mortelles).

En la montrant confrontée à une grossesse non désirée dans la premier épisode, à un patron odieux qui ne la laisse pas faire ses preuves ou à un père malade, Shrill s'assure que le processus d'identification tourne à plein. En cela, la série est une oeuvre de normalisation des représentations bien plus que de revendication. Annie n'est ni obsédée par son poids, ni complètement détachée, la société se chargeant de lui rappeler à chaque coin de rue qu'elle ne correspond pas à la norme, que ce soit avec cette mère qui lui a acheté un régime minceur ou cette coach sportive qui lui chuchote qu'elle "pourrait être si jolie" alors qu'elle n'a rien demandé.

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Critique de l'Amérique trumpiste

Il y a dans cette adaptation d'un livre autobiographique de l'auteure américaine Lindy West, qui a également participé à la création de la série, un propos éminemment politique. Lorsque la colocataire d'Annie lui conseille d'avorter, "avant que ce soit illégal" par exemple. Ou lorsqu'Annie, qui a enfin réussi à publier un article, fait face à un torrent d'insultes et décide de retrouver son cyber-harceleur. Celui-ci, un véritable "monsieur Tout-le-monde", explique alors que "tout ce que disent les féministes" le "gêne". Captation violente mais exacte de la société américaine actuelle, où les droits des femmes sont menacées.

Surtout, Shrill a le bon goût de ne tomber dans aucun manichéisme. Annie, lorsqu'elle entreprend de se libérer du jugement des autres et du sien, devient aussi égoïste et insupportable. Ryan, le petit copain qui la fait passer par la porte de derrière, se révèle plus maladroit et victime d'une éducation qui a fait de lui un abruti que purement cruel. Il y a dans cette série un amour pour la banalité qui, loin de la transformer en ennui, en révèle toute la complexité.