Tous ceux qui pensaient que le genre de la série pour ado était usé jusqu'à la corde en ont eu pour leur compte l'année dernière. Entre Euphoria, création américaine de la chaîne HBO, et la Britannique Sex Education, diffusée sur Netflix, les plateformes ont montré qu'il était encore possible de proposer de belles choses dans le genre. La seconde a immédiatement été reconduite et la saison 2, disponible depuis vendredi sur Netflix, prouve, s'il en était encore besoin, que les campus anglo-saxons ont encore des histoires à raconter.
Un business de sexologie au lycée
Dans la première saison de Sex Education, le jeune Otis Milburn, adolescent un peu pâlot, décidait de monter avec une fille de sa classe, la rebelle Maeve, un business de sexologue dans l'enceinte de son lycée de Moordale. Il faut dire que tout était réuni : l'offre (la possibilité pour Otis d'espionner et reproduire les conseils de sa mère, Jean, sexothérapeute professionnelle) et la demande (des centaines d'ados en rut mais mal informés sur un campus). Si Otis, par ailleurs lui-même très mal à l'aise avec son propre corps, a remisé les clefs de son cabinet informel au début de la saison 2, il se voit rapidement obligé de reprendre du service lorsque, dès le premier jour de la rentrée, une épidémie de chlamydia se déclare à Moordale.
Problème : le directeur du lycée, soudainement mis face au manque d'éducation sexuelle de ses peu chastes ouailles, décide également de faire appel à Jean Milburn. Qui, elle, ne fait évidemment pas payer les consultations aux élèves. Le business plan d'Otis menace alors de s'effondrer.
Clichés sans faire-valoir
Si Sex Education se démarque des habituelles fictions pour ados, c'est d'abord grâce à un jeu habile avec les clichés. Tout y est pourtant sur le papier : l'homosexuel refoulé qui devient le tyran des couloirs, le groupe de it-girls superficielles, le bon pote gay, la geek bizarre, la bonne élève au physique banal et le beau sportif qui court (enfin nage en l'occurrence) derrière un chrono et une bourse scolaire. Mais la showrunneuse de la série, Laurie Nunn, a pris le soin de donner à chacun ses aspérités ou, au contraire, eu le courage de pousser jusqu'au bout le portrait. Le bon pote gay ne sert pas ici de faire-valoir, pas plus que la bombasse populaire.
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L'écriture ne sert pas seulement les personnages, mais aussi les situations. Sex Education frôle le burlesque sans tomber dans le graveleux et cela faisait longtemps, bien longtemps, qu'on n'avait pas autant ri devant une série.
"Je dis ça en riant parce que c'est très sérieux"
Rarement d'ailleurs la maxime de Jules Renard, "Je dis ça en riant parce que c'est très sérieux", s'est trouvé meilleure illustration. Derrière les histoires de cœur et les ados boutonneux, le discours très libéré sur la sexualité fait un bien fou. Si on peut avoir l'impression que Laurie Nunn a essayé de cocher absolument toutes les cases du (vaste) sujet, force est de constater que cette absence de tabou est rare. Derrière les questions de ces jeunes sur la taille de leur pénis, les douleurs vaginales, les jeux de rôle pendant l'amour ou tout simplement l'absence d'intérêt pour les plaisirs de la chair, Sex Education s'intéresse avant tout aux normes qui régissent la société jusqu'à ses sphères les plus intimes.
On n'est pas pour autant face à un cours d'éducation sexuelle. Son humour, sa réalisation impeccable, son casting de haute volée (mention spéciale à Gillian Anderson, autrefois agent Scully dans X-Files, aujourd'hui flamboyante Jean Milburn) et sa bande-son, qui rend leurs lettres de noblesses aux tubes des 80s et des 90s, rappellent que Sex Education est avant tout un divertissement. L'un de ceux qui ne fait pas l'économie d'un propos intelligent.