Difficile d'arriver après 28 autres sans lasser. Pourtant, The Outsider, 29e série adaptée d'une oeuvre de Stephen King, dont le premier épisode est sortie cette semaine en France sur la plateforme OCS, s'en sort avec les honneurs. Là où de nombreuses adaptations n'ont marqué ni les esprits ni les rétines, cette création de la chaîne HBO propose une solide relecture du romancier américain, portée par une écriture virtuose et une réalisation à la hauteur.
Comme souvent avec King, tout commence par une enquête policière. Dans une petite ville au fin fond de l'Oklahoma, le jeune Frankie Peterson, 11 ans, est retrouvé mort par un promeneur. Son cadavre atrocement mutilé porte des traces de coups et de dents...qui n'appartiennent pas à un animal. Très vite, Ralph Anderson, le commissaire de la bourgade, trouve quantité de témoins et de preuves qui, tous, renvoient au même suspect : Terry Maitland, professeur de lettres et populaire entraîneur de baseball.
Atmosphère poisseuse et lenteur virtuose
Ce dernier, arrêté en plein entraînement, devant la quasi-intégralité des parents d'élèves, clame pourtant son innocence. Et dégaine un alibi que confirmeront d'autres témoins, d'autres empreintes et d'autres vidéo de caméra de surveillance : il était à une centaine de kilomètres de là lorsque le meurtre a été commis. Ce qui s'annonce comme un face à face prenant entre un inspecteur et un accusé prend rapidement une autre tournure. Et, comme souvent avec King encore, le fantastique s'invite dans la danse.
The Outsider doit sa réussite au respect de l'esprit du récit "kingien", privilégié à raison sur une fidélité absolue au livre dont la série est issue. L'auteur, Richard Price, scénariste pour Scorsese mais aussi pour plusieurs épisodes de The Wire, a choisi de redécouper le roman, de faire apparaître des personnages plus tôt et d'en changer certaines caractéristiques pour s'adapter au rythme imposé par le format sériel. La lenteur de son Outsider est virtuose. Souvent contemplative, la série déroule son atmosphère poisseuse, ses flics fatigués et ses peurs irrationnelles qui rappellent parfois la première saison de True Detective.
L'Amérique face à ses monstres
Dans le costume pourtant déjà beaucoup porté de l'enquêteur traumatisé par un drame personnel, Ben Mendelsohn fait des miracles. Jason Bateman, qui incarne Terry Maitland et a également réalisé les deux premiers épisodes, confirme ici qu'il n'est pas doué que pour la comédie. Le casting se trouve encore consolidé par ses vedettes féminines, la géniale Cynthia Erivo et la trop rare Mare Winningham. Tous trimballent le poids du monde sur leurs épaules avec une pudeur et une retenue qui confinent à la grâce.
Il règne effectivement dans The Outsider une insondable obscurité. Comme toutes les histoires de King, celle-ci est aussi un portrait de l'Amérique, confrontée au mal qui la révèle (et qu'elle a engendrée). Car que sont les monstres, qu'ils soient réels ou imaginaires, sinon les miroirs des angoisses et des névroses, des secrets et des vices ? Depuis cinquante ans, Stephen King s'est fait une spécialité de les faire surgir dans le quotidien. La série de Richard Price poursuit brillamment cette réflexion.