Comment reconstruire Notre-Dame ? Pour accélérer la mise en œuvre d’un chantier qui s’annonce gigantesque, le gouvernement espère faire adopter un projet de loi qui permettrait aux travaux de passer outre le code des marchés publics, certaines contraintes environnementales, voire même de s’exonérer de la législation qui pèse sur la rénovation des monuments historiques. Le président de la République a même exprimé sa volonté de voir l’édifice intégrer "un geste architectural contemporain", un concours pour la reconstruction de la flèche devant être lancé.
De quoi donner des idées aux pontes de l’architecture moderne. Jean-Michel Wilmotte, qui a imaginé l’église orthodoxe russe à Paris, a notamment exprimé à plusieurs reprises son envie de voir une flèche en verre pousser sur la toiture de la cathédrale. Mais pour Denis Valode, fondateur de la première agence d'architecture de France, à l’origine notamment du stade Pierre Mauroy à Lille ou des centres commerciaux Beaugrenelle à Paris, Notre-Dame doit retrouver son intégrité historique. "Pour moi c’est clair, je pense qu’il faut la reconstruire à l’identique", a-t-il déclaré mercredi, au micro de Pierre de Vilno dans la matinale d’Europe 1.
Un concours d'ego ?
"Je remarque que les architectes se précipitent pour reconstruire Notre-Dame. C’est assez paradoxal parce que l’on ne connait même pas le nom des architectes - à l’époque on appelait ça des ‘maîtres d’œuvre’- qui, au 12e siècle, ont dessiné la cathédrale telle qu’elle est", raille-il. Pour lui, la multiplication des propositions, plus ou moins audacieuses, trahit l'arrogance de certains de ses confrères. "Il est assez mal venu de vouloir absolument installer son ego sur ce bâtiment", lâche-t-il.
Cet architecte fustige ainsi l’idée d’un concours pour rebâtir la flèche qui s’est effondrée sur la voûte pendant l’incendie, lundi 15 avril. "Ce concours est un peu déplacé. Je vois fleurir partout des gens qui projettent des projets. Le spécialiste du verre va vouloir une flèche en verre, celui qui est connu pour sa capacité à dessiner des résilles en béton haute performance va dire qu’il faut la faire en béton haute performance", s’agace Denis Valode. "Il y a une espèce de projection de toutes sortes d’ego sur ce sujet, alors qu'il faut justement un peu d'humilité, et une forme d’audace pour arriver à la refaire parfaitement conforme à ce qui existait avant."
Respecter toutes les strates historiques
Denis Valode tient en effet à prendre la défense d'Eugène Viollet-le-Duc, "un géant de l'architecture", qui a supervisé au XIXème siècle l'un des plus importants chantiers de restauration qu'a connu l'édifice, n’hésitant pas à y faire de nombreux ajouts, comme cette flèche que les Parisiens ont vu s’écrouler sous leurs yeux. "Il ne faut pas réécrire, il faut restaurer les bâtiments dans leur dernier aspect connu, avec une approche historique et scientifique", martèle Denis Valode, qui évoque notamment la charte internationale de Venise, dont la France est signataire, et qui pose une série de recommandations quant à la restauration des monuments historiques.
"Tout ce qui a été fait fait partie de l’histoire, en particulier la flèche de Viollet-le-Duc. Elle est splendide et on se dit, aujourd’hui, qu’elle manque quand on regarde Notre-Dame", poursuit-il. "Il n’a pas rajouté cette flèche. Il y en avait une au 13e siècle, elle a été démontée à la Révolution. La grande différence, c’est que l’on ne connaissait pas les plans de l'ancienne flèche, alors qu'aujourd’hui on connait ceux de celle de Viollet-le-Duc", pointe l'architecte.
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"On a l’impression que l’on crée une espèce d’opposition entre les tenants du passé et ceux de l’avenir, une espèce de fausse querelle des anciens et des modernes qui n’a pas lieu d’être. Si on réfléchit bien, la notion de préserver le patrimoine, de le restaurer, de le transmettre, est une notion extrêmement moderne", plaide encore Denis Valode. Et de conclure : "Ceux qui sont les plus contemporains sont probablement ceux qui ont cette idée."