Il y eut un avant, il y eut un après. Il y a 50 ans, la vague Woodstock submergeait le monde. Europe 1 vous fait revivre, à l'heure des festivals de l'été, l'histoire de cette révolution, non seulement par ce qu'elle a apporté, mais aussi par ceux qui l'ont incarnée. Aujourd'hui, Joan Baez.
Enceinte de six mois lors du festival
Elle n'est ni plus ni moins que la conscience d'une génération. Depuis le début des années 1960, avec sa voix de cristal et ses engagements courageux, Joan Baez incarne plus que tout autre la révolte de la jeunesse américaine. Nous sommes dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 août 1969, il est 1h du matin, à Woodstock. Enceinte de six mois, mais toujours aussi décidée à faire passer ses messages, elle reprend un hommage à un syndicaliste du début du 20ème siècle, injustement condamné à mort. Son nom ? Joe Hill.
De convictions spirituelles en convictions politiques
À Woodstock, Joan Baez est alors au sommet de sa gloire, à seulement 28 ans. Mais la chanteuse a déjà eu plusieurs vies. Il faut d’abord dire qu’elle a grandi dans une famille très religieuse. Son père est un pasteur mexicain, physicien de renom, co-inventeur du microscope à rayons X, sa mère est une fille de prêtre écossais anglican. Les convictions ne sont pas seulement spirituelles, elles sont aussi politiques : le papa refuse d’être associé à la conception de la bombe atomique. La famille voyage au gré de ses travaux, aux États-Unis, mais aussi en France, en Suisse, en Italie et en Irak. C’est là, à Bagdad, que la petite Joan voit de ses propres yeux la misère des enfants des rues. Elle en sera marquée à vie.
À 16 ans, de retour aux États-Unis, premier acte de rébellion au système : elle refuse de participer dans son lycée à un exercice d’alerte atomique. On la taxe de "communiste infiltrée"… Cela ne fait que renforcer ses convictions. Armée d’un premier album dès l’âge de 19 ans, sûre d’elle et de son charme, elle devient rapidement une figure de la lutte contre la guerre au Vietnam. Elle sympathise avec Martin Luther King, marche pour les droits civiques des Noirs à Washington, n’hésite pas à porter sa parole en Alabama chez les ségrégationnistes, et même au Vietnam. Elle fera même un mois de prison pour avoir bloqué un centre de recrutement de l'armée.
Son mari David Harris, écrivain antimilitariste, déserteur de l’armée, y passera lui plus d’un an. Il est en pleine grève de la faim quand Joan Baez monte sur la scène de Woodstock. Elle lui écrit et lui dédie un album, puis une chanson, Song For David.
David Harris, Bob Dylan, Steve Jobs… Les hommes de sa vie
Mais David Harris n'est pas le seul homme dans la vie de Joan Baez. D’ailleurs, peu après Woodstock, le couple se séparera. En fait, l'histoire a davantage tendance à retenir la relation passionnelle et orageuse que la chanteuse a entretenue - et entretient encore d'une certaine manière - avec Bob Dylan. C'est elle qui l'a repéré dans le Greenwich Village et lancé à ses côtés sur scène. Elle n'aimait pas son arrogance, beaucoup plus ses chansons.
Ce couple princier de la folk se séparera quasiment sous les yeux de la caméra d’Arthur Pennebaker dans le documentaire Bringing it all back home où le rapport de force et de célébrité s'est inversé. Dans une vidéo (à partir de 1'16), on voit d'ailleurs Joan Baez imiter la voix de Bob Dylan à la perfection. C’est là qu’on s’aperçoit qu’elle peut être également très drôle.
En 1975, elle consacre à leur histoire d’amour une mélodie aussi magnifique que désenchantée. À l’heure du bilan, que reste-t-il ? Des diamants et de la rouille.
Mais il y eut aussi dans la vie de la chanteuse, un certain Steve Jobs… Au début des années 1980, le jeune cofondateur d'Apple file le parfait amour avec Joan Baez. Il l'aurait même demandée en mariage. Mais s'il veut fonder une famille, avoir des enfants, elle n’est manifestement pas sur la même longueur d'ondes. Le couple se sépare…
40 ans après Notre-Dame, un dernier concert en France
Peu de temps après, devant 25.000 personnes réunies sur le parvis, Joan Baez fait résonner les cloches de Notre-Dame de Paris au son de Blowin’ In The Wind, la fameuse chanson anti-guerre de Bob Dylan. On y revient toujours…
Aujourd'hui, à bientôt 80 ans, celle qui n’aura jamais voulu renier ni ses idées ni ses origines en termine avec une tournée d’adieux. Lundi 22 juillet, elle a donné son dernier concert dans l'Hexagone, à Perpignan, dans le cadre du festival Live au Campo. "Ma voix décline", explique-t-elle dans un excellent français. Mais ses idées pacifistes et écologistes ne sont pas près de s’éteindre…
Retrouvez tous les autres épisodes de notre série "Woodstock, 50 ans après" :
> Épisode 1 : aux origines du plus iconique des festivals
> Épisode 2 : Richie Havens, l'histoire d'un destin qui bascule
> Épisode 3 : Tim Hardin, adoubé par Bob Dylan, détruit par la drogue