Tout commence en septembre 2022, avec la déflagration Camaïeu. La marque grand public née en 1984 à Roubaix est brutalement placée en liquidation judiciaire, laissant quelque 2.100 salariés sur le carreau et le secteur de la mode milieu de gamme abasourdi.
Depuis, les difficultés se sont enchaînées pour nombre d'enseignes iconiques des centres-villes français : Kookaï, Naf Naf, Gap France, André, San Marina, Minelli, Kaporal, Don't Call me Jennyfer, Burton of London, Du Pareil Au Même, Sergent Major, Princesse Tam Tam, Comptoir des Cotonniers, Orcanta...
Des reprises qui tournent mal
Certaines entreprises coupent dans les effectifs et ferment des magasins, comme Pimkie, d'autres sont placées en redressement judiciaire, comme Naf Naf, et, plus rarement, liquidées, à l'image de San Marina. Mais elles ne sont pas toutes victimes des mêmes causes.
Il y a des enseignes qui ont déjà été reprises et ont pâti d'une mauvaise gestion, selon les experts. Sont citées les sociétés des galaxies des hommes d'affaires Michel Ohayon - Camaïeu, Galeries Lafayette, Gap France, Go Sport - ou Thierry Le Guénic - Burton of London, Orcanta, Maison Lejaby.
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Pour Yann Rivoallan, président de la Fédération du prêt-à-porter féminin, "il y a un vrai travail de formation à faire auprès des liquidateurs (judiciaires), repreneurs et mandataires pour mieux comprendre l'écosystème de la mode".
Fin de l'euphorie
Concernant les autres entreprises, "pour comprendre, il faut remonter à l'été 2022", rappelle Xavier Bailly, associé du cabinet en conseil Eight Advisory. Après une période "d'euphorie (...) très dynamique" marquée par la sortie du Covid et la fin des ruptures d'approvisionnement, les marques ont réalisé "des commandes importantes", explique le spécialiste de la restructuration d'entreprises.
Or, fin 2022, l'inflation sévit, la consommation recule et les enseignes se retrouvent avec du surstock, des prêts contractés durant la pandémie qu'il faut rembourser et une augmentation du Smic de ses employés de 9 % sur un an, poursuit-il.
En parallèle, de nombreux acteurs aux "tout petits prix" se positionnent, constate Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire économique de l'Institut français de la Mode. De l'"ultra fast fashion" type SheIn, "avec une qualité d'exécution très forte grâce à l'intelligence artificielle", selon Yann Rivoallan, jusqu'à l'essor de la seconde main, "la plus grosse croissance sur le marché", rappelle M. Bailly.
Sans oublier les distributeurs, "comme Aldi ou Lidl", qui s'intéressent à la mode, note Gildas Minvielle. Mais pour lui, "les causes structurelles de cette crise existaient avant la pandémie". Depuis 2007, le pouvoir d'achat stagne, ce qui rend plus frileux les acheteurs.
Et, entre 2013 et 2015, "il fallait investir dans l'e-commerce plutôt que les magasins", un virage que toutes les marques n'ont pas effectué. Et aujourd'hui, "les consommateurs consomment autrement", réduisant leurs dépenses "soit par nécessité, soit par choix" en faisant le pari de la sobriété, poursuit Gildas Minvielle.
"Pas mortes du tout"
"La réalité, c'est que ces enseignes ne sont pas mortes du tout", les liquidations étant "extrêmement rares" et les procédures collectives "ne signifiant que très rarement l'arrêt de l'activité", nuance Xavier Bailly.
Les enseignes de milieu de gamme doivent "réduire les périmètres", regénérer du trafic en magasins et "trouver la bonne équation prix", selon Xavier Bailly. "Sergent Major, Du Pareil Au Même, Don't Call Me Jennyfer vont repartir", affirme-t-il. Même Camaïeu, racheté par Celio, devrait renaître de ses cendres avec une nouvelle collection en septembre 2024.
Yann Rivoallan pense, lui, qu'"il y aura encore des redressements judiciaires en 2024" mais les soldes d'hiver ont "plutôt" bien commencé et "ça peut repartir". Des enseignes milieu de gamme, "il n'en restera pas des dizaines mais il y aura toujours un segment" pour un "produit de qualité, proche de chez soi", avec "une vente assistée et de jolis magasins", déclare-t-il.