La Sécurité sociale fête ses 70 ans. Un anniversaire célébré en fanfare par François Hollande, qui ouvre mardi une "Rencontre nationale" à la mutualité française, en présence de plusieurs ministres étrangers, de personnalités politiques, de syndicats, de patrons ou encore d'historiens. Et pour cause : il s'agit là de rendre hommage à un pilier de la solidarité à la Française. Mais si le terme "Sécu" rime avec remboursements maladies, retraites et allocations familiales, il rime aussi avec déficit. Mais depuis combien de temps ? Petite histoire du "trou" de la Sécurité sociale (voir aussi infographie en illustration de cet article).
En 1945, "ça coûtait très peu cher". En 1945, à la fin de la guerre, l'état sanitaire de la France est déplorable. Et la France décide de mettre en place un système de protection sociale pour protéger les travailleurs et leurs familles, basé sur la solidarité, dont les prestations (santé, famille...) serviront à soutenir la relance économique, et dont l'ordonnance du 4 octobre posera les fondements. Le principe est alors aussi simple que révolutionnaire : chaque Français cotise en fonction de ses revenus, et il est aidé selon ses besoins. "On ne pensait pas que la santé causerait autant de soucis. On faisait de la solidarité à bon compte, cela coûtait très peu cher", commente aujourd'hui le professeur émérite de Droit social Jean-Jacques Dupeyroux, cité par l'AFP.
En 1967, les premières difficultés. Mais rapidement, progrès de la médecine et allongement de l'espérance de vie obligent, les dépenses de soins et les pensions de retraite augmentent. Et en 1967 intervient la première mesure politique de redressement des comptes, avec une diminution du remboursement des médicaments. Les dépenses sont par ailleurs réparties en trois caisses (maladie, vieillesse, famille). Des taxes sur le tabac et l'alcool sont affectées à la Sécu. C'est d'ailleurs à cette époque que le mot "trou" commence à entrer dans les mœurs. Le 8 septembre 1967, le président de la République Georges Pompidou évoque ainsi un "trou financier important, de trois milliards de francs" (ce qui représentait à l'époque, selon l'Insee, l'équivalent de 3,74 milliards d'euros en 2015 compte tenu des différences de prix par rapport à aujourd'hui).
En 1979, on y voit un peu plus clair. Le "trou" s'affiche encore plus magistralement aux yeux du public à partir de 1979, date de création de la Commission des comptes de la Sécurité sociale. Selon les premiers décomptes qui lui sont transmis, le 27 juin, la Cour estime que le déficit a atteint 9,8 milliards de francs en 1978 (4 milliards d'euros), et devrait être ramené à 2,4 milliards à la fin de l'année 1979 (1,6 milliard environ).
La chute brutale des années 80. Abaissement de la retraite à 60 ans au lieu de 65, création du RMI, hausse du chômage… La conjoncture et les mesures prises par la gauche dans les années 80 vont entraîner une plongée du déficit du régime général. En 1995, il atteint même l'équivalent de 10,3 milliards d'euros, un record à cette époque. Ce qui pousse les gouvernements successifs à réagir, en créant notamment de nouvelles taxes. La CSG voit le jour en 1990 avant d'être augmentée en 1997, la CRDS naît en 1995. En 1993, enfin, la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein passe de 37,5 à 40 ans.
"L'âge d'or", de fin 90 à début 2000. Le "trou" n'a-t-il donc jamais été comblé ? En fait si. Entre fin 1998 et fin 2001, la Sécurité sociale n'est plus déficitaire, et gagne même un peu d'argent. L'amélioration sur le front du chômage et les différentes réformes décidés depuis le début des années 90 portent leur fruit. Et le gouvernement de Lionel Jospin devient ainsi le seul de la Ve République à ne pas connaître de "trou" de la Sécu. En 1999, ce dernier met d'ailleurs en place la CMU, la Couverture maladie universelle ouverte sans condition de ressource, surfant sur cet "âge d'or".
Un âge d'or qui contient toutefois un bémol : si l'ensemble le budget général de toutes les branches de la Sécurité sociale est enfin excédentaire, ce n'est pas le cas de celui de l'Assurance maladie, toujours légèrement déficitaire. Et cela ne s'améliorera jamais plus.
Le XXIe, le temps des records. La dégradation du marché du travail, accentuée par l'explosion de la bulle internet et la crise de 2008, le départ à la retraite des "baby boomer" ou encore certaines crises sanitaires (canicule de 2003 par exemple) entraîneront une érosion quasi-continue des comptes de la "Sécu" à partir de 2002. Dès 2004, le record de 1995 tombe : le déficit atteint 11,9 milliards d'euros. Et en 2010, le "trou" atteint son record absolu : près de 24 milliards d'euros. Les réformes des retraites successives (2003, 2010 et 2014) le feront remonter au niveau d'aujourd'hui, soit 12,8 milliards d'euros en 2015, avec une prévision de 9,7 milliards pour 2016.