Certains observateurs ont déjà prévenu : à leurs yeux, le compte n'y est pas dans le projet de Budget 2015 de l'Etat français, censé prévoir 21 milliards d'euros d'économies. Un point de vue critique que partagerait la Commission européenne, selon plusieurs sources de la zone euro, citées lundi par l'agence Reuters. Or Bruxelles, chargée depuis 2013 de vérifier les budgets nationaux, peut infliger des sanctions aux pays dont la gestion n'est pas assez sérieuse. Paris risque donc d'être obligée de revoir sa copie voire de payer une amende, une première.
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Bruxelles, la vigie budgétaire. Lorsque plusieurs Etats partagent une monnaie commune, tous doivent respecter les mêmes règles pour éviter un déséquilibre. L'UE a donc instauré des règles budgétaires aux membres de la zone euro pour éviter de revivre une nouvelle crise, comme celle provoquée par la Grèce. Depuis 2013, la Commission européenne vérifie donc le budget de chaque Etat, et notamment s'il respecte les règles de bonne gouvernance, dont la fameuse règle des 3% de déficit maximum.
La France pourrait devenir la premier Etat sanctionné. Suite à la crise de la dette en Europe, qui a montré que les pays ne respectaient pas les règles (y compris les poids lourds que sont la France et l'Allemagne), l'Union européenne a instauré de nouvelles règles du jeu. Désormais, Bruxelles contrôle les budgets nationaux et peut même engager une procédure disciplinaire contre les mauvais élèves. Or la France, après avoir déjà obtenu deux délais pour repasser sous la barre des 3%, a reconnu mi-septembre qu'elle ne respecterait pas ses engagements une nouvelle fois.
A Bruxelles, même si on n'a pas encore reçu tous les documents français, les experts ont déjà commencé à faire tourner les calculettes. Selon leurs calculs, il faudrait 6 à 8 milliards d'économies supplémentaires pour que le déficit structurel français soit dans les clous. Paris risque donc d'être montrée du doigt et, si elle ne corrige pas le tir, risque même des sanctions financières.
Que risque Paris ? Déjà placé sous surveillance, l’Hexagone risque de se voir infliger une amende représentant 0,2% du PIB, soit 4 milliards d’euros, en vertu des traités européens. Il n’est pour autant pas certain que la France doive passer à la caisse. D’abord car Paris ne cesse depuis des semaines d’envoyer des signaux à Bruxelles, mais aussi à Berlin, pour les prévenir qu’elle aurait du mal à tenir ses engagements. Ensuite parce que Michel Sapin a bien pesé ses mots mi-septembre en parlant de la "situation exceptionnelle" de l'économie en zone euro, qui expliquerait en partie le dérapage français. Or le terme "situation exceptionnelle" ne doit rien au hasard : c’est la seule exception prévue par les traités européens pour éviter une sanction et demander un nouveau délai. La sanction redoutée n’est donc pas automatique et fera l’objet d’un débat au sein des institutions jusqu'à ce que le verdict tombe, fin octobre.
Des négociations au plus haut niveau. Néanmoins, le vent souffle dans la mauvaise direction pour la France. Car à Bruxelles, même les plus indulgents estiment que le budget français n'est pas recevable en l'état. Paris va devoir faire plus. Mais le gouvernement Valls peut profiter du contexte : la nouvelle Commission européenne, dont la composition est en train d'être validée par le parlement européen, hésite à commencer son mandat par un affrontement direct avec la France. Elle négocie donc déjà en coulisses une solution à l'amiable au plus haut niveau, on parle d'échanges directs entre François Hollande et Jean-Claude Juncker. L'objectif est d'identifier l'effort supplémentaire que la France pourrait faire avant la fin du mois pour éviter un veto de la Commission européenne.
L'Elysée pas du tout inquiet. Même si les échanges s'intensifient en coulisses, Paris se veut officiellement rassurant. La France ne se place "pas du tout dans l'hypothèse" du rejet de son projet de Budget 2015, a laconiquement réagi lundi l'entourage du président de la République. ""Le projet de plan budgétaire sera transmis à la Commission européenne le 15 octobre. Des commentaires sont donc prématurés sur la question de savoir si la Commission européenne demandera une révision. On n'est pas du tout dans cette hypothèse", a ajouté un de ses proches.
Un optimisme que ne partageait pas vraiment le directeur de la réaction du quotidien Les Echos, Nicolas Barré, dans son Edito éco lundi matin sur Europe 1 :