Alors que les élections européennes approchent, la crainte du plombier polonais ressurgit dans le débat politique français. Le ministre du Travail Michel Sapin a défendu lundi à l'Assemblée son travail au niveau européen pour renforcer la directive de 1996 sur le détachements des travailleurs dans l'Union européenne. En jeu : un renforcement des contrôles pour éviter les abus qui se transforment en dumping social au détriment des travailleurs nationaux. Les 28 se déchirent en effet sur deux points : la liste des documents exigibles en cas de contrôle administratif et la mise en place d'un dispositif obligatoire pour identifier et, le cas échéant, poursuivre le donneur d'ordre, tous secteurs confondus. En effet, le but n'est pas de remettre en cause le fond de cette directive dont profitent de nombreux travailleurs français chaque année.
La réalité des chiffres. Si la France est le pays européen qui accueille le plus de travailleurs étrangers chaque année après l’Allemagne, elle est aussi l’un de ceux qui en expatrient le plus derrière la Pologne et l’Allemagne, selon la Commission européenne. En 2011, La France a ainsi détaché officiellement 169.029 travailleurs selon la Direction générale du travail (DGT). Ce chiffre ne prend en compte que les travailleurs déclarés. Leur nombre réel tournerait plutôt autour de 300.000 selon certaines estimations. Dans le même temps, la France a accueilli officiellement 144.411 travailleurs et la DGT estime que la réalité tournerait plutôt autours de 300.000 personnes.
Une logique de proximité. Les entreprises françaises envoient régulièrement des travailleurs dans d’autres pays européens. Crise oblige, les Français lorgnent sur les opportunités professionnelles offertes par les voisins. L’élément clef de cette mobilité est la proximité géographique. Les travailleurs détachés français ne sont pas nécessairement résidents à l’étranger, beaucoup sont des transfrontaliers. Ainsi, les pays qui accueillent le plus de français sont la Belgique (35.295), l’Allemagne (21.881) et l’Italie (15.020) sur les 169.029 comptabilisés en 2011.
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Les Français, des travailleurs détachés aussi en France. La logique de proximité n’est pas totalement réciproque. Les Polonais sont les travailleurs détachés les plus courants en France avec 27.728 personnes. Toutefois, en deuxième position se trouvent les Français eux-mêmes qui sont 18.508 à être détachés sur le territoire national. Si cela semble étrange, il faut noter que ce qui est pris en compte pour le détachement des salariés n’est pas la nationalité de ces derniers, mais la domiciliation de l’entreprise. Des Français vivant à la frontière allemande peuvent s’inscrire dans des boites d’intérim allemandes et être "envoyés" en France. Viennent ensuite les Portugais, avec 16.453 détachés et les Roumains (13.200). Les secteurs qui sont les plus demandeurs de travailleurs détachés sont la construction (33%), l'industrie (25%) et le travail temporaire (20 %).
Le travailleur détaché, une main d’œuvre pratique. Il ne faut pas confondre travailleur détaché et travailleur émigré. Le premier est soumis à une directive européenne qui doit permettre de répondre « au besoin de travailleurs spécialisés en vue d'effectuer une tâche de nature complexe dans un autre État membre de l'UE confronté à un manque de main d'œuvre dans ce domaine précis ». La loi prévoit que l’employeur se plie au droit du travail du pays d’accueil (35 heures, Smic horaire etc.), mais les cotisations sociales sont celles du pays d’origine. Le second est un travailleur soumis aux mêmes règles qu’un résident (cotisation sociale du pays où il travaille etc.). En Europe, il y a environ un million de travailleurs détachés chaque année, selon la Commission européenne.
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