Emploi : baisser les charges, ça marche ?

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et Olivier Samain , modifié à
COMPETITIVITÉ - C'est l'une des pistes pour soutenir les entreprises que le gouvernement doit préciser mardi.

L’info. François Hollande doit dévoiler, mardi lors de sa grande conférence de presse, les contours de son "pacte de responsabilité". Un coup de pouce aux entreprises dont le fil directeur a déjà été annoncé lors des vœux télévisés présidentiels : baisser les charges des entreprises pour stimuler l’emploi. Mais une telle politique a-t-elle une chance de porter ses fruits ?
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Moins de charges = plus d’emplois ? Cette question revenant souvent dans le débat public, la direction générale du Trésor a analysé les allègements de charge mis en oeuvre depuis vingt ans en France, aussi bien sous des gouvernements de droite que de gauche. Et la question se pose puisque la France a ainsi rendu aux entreprises 20 milliards d'euros par an au cours des deux dernières décennies, ciblés sur les bas salaires. Un coup de pouce jugé utile puisqu’il a permis, selon les économistes de Bercy, de créer entre 400.000 et 800.000 emplois par an sur la période.

"Toutes choses égales par ailleurs, si l’on baisse les charges sociales, on favorise l’emploi et inversement", résume l’économiste Nicolas Bouzou dans les colonnes de Libération. Un avis partagé par Bertrand Martinot dans les colonnes de L’Entreprise : pour ce conseiller social à la Présidence de la République sous Nicolas Sarkozy, il existe "un consensus des économistes: baisser les charges sociales nettes de 20 milliards ferait gagner un point de chômage, soit environ 300.000 emplois".

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Ce qu’il se passe dans les têtes de patrons. Abaisser les charges sociales a donc des conséquences en termes d’emploi, ce que confirme l'économiste Eric Heyer, spécialiste du marché du travail à l'OFCE. "Puisque le travail coûte moins cher relativement en capital, les chefs d’entreprise ont plutôt tendance à prendre un peu plus de travailleurs et un peu moins de capital", souligne-t-il. Et Eric Heyer de poursuivre : "le deuxième effet, c’est que, puisque vous baissez les charges, vous baissez le coût du travail et donc vous baissez le coût de production des entreprises qui peuvent produire moins cher qu’avant. Vous allez donc gagner des parts de marché à l’extérieur, et donc créer des emplois".
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Le Medef promet "un million d'emplois". Invité d'Europe 1 lundi matin, le président du Medef a évidemment lui aussi défendu l'utilité d'un tel dispositif, allant jusqu'à donner "l’engagement du Medef, avec tous les chefs d’entreprises, pour dire 'nous sommes capables de créer un million d’emplois dans les cinq prochaines années'". "C’est un objectif que nous nous sommes donné. Un million d’emplois, c’est quoi ? C’est de baisser de 11% de chômage à 8%, ce n’est pas une fatalité. Nous disons que nous pouvons créer des poches de 50.000 à 100.00 emplois dans les cinq prochaines années à la condition qu’un certain nombre de chantiers s’ouvrent. C’est cela que nous attendons du président de la République", a précisé Pierre Gattaz.

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CICE, la promesse de 60.000 emplois. De tels dispositifs existent déjà et le gouvernement actuel l’a expérimenté : depuis le 1er janvier 2013, le Crédit Impot compétitivité (CICE) est en effet entré en vigueur, avec pour spécificité de ne pas se limiter aux seuls emplois à bas salaire. D’après l’Insee, cet allègement de charges de 10 milliards d’euros en 2014, puis de 20 milliards par an à partir de 2016, doit se traduire par 60.000 créations d’emplois.

Mais baisser les charges a un coût. Comme rien n’est jamais simple dans la bataille pour l’emploi, l’Etat doit bien trouver de quoi faire rentrer dans ses caisses ces 20 milliards d’euros qu'il compte rendre aux entreprises. Les taux de TVA ont donc été augmentés le 1er janvier, ce qui risque de se traduire par une légère baisse de la consommation et donc des destructions d'emploi. Sans oublier que de telles politiques provoquent des effets d'aubaine : les récentes baisses de charges se sont concentrées sur les bas salaires, et ont donc surtout généré des emplois payés entre une fois et 1,2 fois le Smic.