"Que tout le monde se rassure, il n'y aura pas de vente de tabac sur internet". En affirmant, mercredi, que la vente en ligne de cigarettes ne serait pas autorisée en France, contrairement à ce qu’annonçaient Les Echos dans la matinée, Eric Woerth aura apaisé les buralistes inquiets de voir leur monopole remis en cause. Dans les faits, pourtant, la toile est déjà un bureau de tabac géant.
Difficile d’évaluer leur nombre, mais les sites qui vendent des cigarettes sont légion. La plupart ne vendent que des cartouches, et à des prix fracassés : 34 € la cartouche de 10 paquets de Marlboro sur Smoking-cigarette-discount, 27 € sur Tabac-online. Et plus on en achète, plus leur prix baisse : 117 € les 6 cartouches sur Euro-cig. Plus besoin d’aller visiter les supermarchés d’Andorre ni de dévaliser les duty-free des aéroports.
Dans un français approximatif, les web-buralistes assurent la discrétion de l’envoi, tout en délivrant aux acquéreurs des consignes de prudence comme celle-ci : "Afin d'éviter des eventuels problèmes postaux ou douaniers, nous vous conseillons d'acheter notre offerte de nr. 3 cartouches avec expédition de n. 5 paquets pour semaine ou l'offerte de nr. 5 cartouches avec expédition de n. 1 cartouche pour semaine (sic)." Traduction : vous recevrez vos paquets en plusieurs envois pour ne pas éveiller les soupçons de la douane.
Car le trafic de cigarettes sur internet est illégal, comme le rappelle le service des douanes sur son site : "Vous ne pouvez pas acheter de cigares, cigarettes, tabacs à fumer ou autres tabacs manufacturés, sur un site internet situé en France." En 2008, les douanes, interrogées par Europe1.fr, ont intercepté "250 tonnes de tabac, dont 21,5 sur le vecteur postal et le fret express (type UPS, Fedex, etc.)". "L'essentiel de ce dernier chiffre est constitué par les ventes sur internet", analyse le service des douanes, qui constate une augmentation par rapport à 2007 (8 tonnes saisies), et note que "la hausse se confirme pour 2009".
Acheter du tabac sur un site situé à l’étranger est toléré, à condition de le "déclarer à la douane à son entrée en France, et acquitter les droits et taxes correspondants." Sans quoi "le service des douanes pourra confisquer vos achats et vous faire payer une amende comprise entre une et deux fois la valeur des marchandises. Cette infraction est également passible d'une peine d'emprisonnement d'un maximum de 3 ans." Une "douane du web", appelée Cyberdouane a été créée en février 2009 pour lutter contre la cyerdélinquance, et notamment pour surveiller les sites vendeurs de tabac.
Des menaces qui n'empêchent pas les internautes de se procurer leur dose de nicotine. "Suffit d'un peu de googlage [recherche sur le moteur google NDLR]. J'ai testé une fois deux cartouches de marlboro rouge pour 24 euros frais de ports compris au lieu de 100 euros ici ! Arrivé sans aucun problème dans ma boîte aux lettres, et le tout camouflé nikel! (sic)", peut-on lire sur un forum. Un autre fumeur suggère d'écrire à une adresse mail, présentée comme "un bon plan" : "Les délais peuvent être très long faut les relancer régulièrement. Par contre jusqu'à présent aucun soucis dans les réceptions."
Si fumer nuit gravement à la santé, acheter des cigarettes sur internet peut aussi nuire gravement à votre portefeuille, tant le web, dans ce domaine, est une jungle où l’arnaque est présente. Sur le site Tabac-No taxe, l’un des nombreux forums consacrés au sujet, certains fumeurs racontent comment leur argent est parti en fumée sans qu’ils ne voient jamais la couleur de leurs cigarettes. Chaque témoignage agit comme un patch contre l’envie de commander du tabac en ligne.
Henri Seckel
> Eric Woerth rassure les buralistes