Le constat. A l'heure de débattre de la politique européenne de l'énergie - que le président Hollande a érigé en priorité -, mercredi à Bruxelles, le gaz de schiste est dans toutes les bouches. Ses partisans arguent que l'extraction de ce que beaucoup appellent le "nouvel or bleu" est impératif pour réduire la dépendance énergétique des pays de l'Union européens. Ses opposants invoquent le principe de précaution, au motif que son extraction, très polluante, serait un nouveau coup dur porté à la lutte contre le réchauffement climatique. Zoom sur les positions de chaque pays.
# Les partisans du gaz de schiste
Le Royaume-Uni et la Pologne en tête d'affiche. Avec 5.300 milliards de mètres cube de réserves potentielles d'après un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la Pologne a bien compris son intérêt dans l'extraction du gaz de schiste : produire son énergie et, donc, dépendre moins des importations russes. Le Royaume-Uni, qui a autorisé la contestée fracturation hydraulique en décembre, s'est également engagé dans cette voie. "Le gaz de schiste fait partie de l'avenir", a ainsi déclaré en mars David Cameron, le Premier ministre. La Roumanie a aussi autorisé des forages de prospections sur son sol, tout comme les Pays-Bas, la Suède et le Danemark.
Les principaux producteurs européens d'énergie. Sept patrons européens du secteur énergétique ont réclamé mardi, à la veille du Conseil européen, une unité continentale sur ce dossier, qui passe selon eux par l'extraction du gaz de schiste. "Nous préconisons de renforcer les investissements de recherche dans les technologies d'avenir : celles qui permettraient d'exploiter de manière propre le gaz de schiste", a expliqué Gérard Mestrallet, le PDG de GDF Suez dans une interview au Monde. Un point de vue partagé par ses collègues allemands (EON et RWE), italien (Enel), espagnols (Iberdrola et GasNatural Fenosa).
Arnaud Montebourg et d'autres politiciens. Le ministre du Redressement productif n'est pas fermé au gaz de schiste. Il s'est dit favorable en février à une "expérimentation technologique sur notre territoire" qui permettrait de trouver une alternative à la fracturation hydraulique. Il faut dire qu'avec ses 5.100 milliards de mètres cube de réserves potentielles, la France, qui importe 98% de son gaz, a là une occasion d'être moins dépendante. A l'échelle européenne, Günther Oettinger, le commissaire européen à l'Energie, s'est dit favorable à une expérimentation. "Il faut rester ouvert et laisser les pays qui le souhaitent (...) développer des projets pilotes, à partir desquels on pourra construire une expertise européenne", a-t-il réclamé, dans une interview aux Echos. "Sur une consommation de 550 millions de mètres cubes de gaz en Europe, un tiers est issu de nos propres ressources, mais celles-ci sont en voie d'épuisement. Il n'est donc pas aberrant de penser qu'une part sera remplacée par du gaz de schiste à l'horizon 2025-2030", appuie-t-il.
# Les opposants au gaz de schiste
Delphine Batho réaffirme son opposition. Invitée d'Europe 1 mardi matin, la ministre de l'Ecologie a redit son opposition à l'exploitation du gaz de schiste. "On ne peut pas résoudre les problèmes d'aujourd'hui en alourdissant la dette environnementale (...) Les gaz de schiste ne sont pas une solution (...) C'est un refus politique, je l'assume, tout n'est pas sacrifiable au marché, au profit à court terme", a-t-elle notamment rappelé, estimant tout de même qu'il fallait construire une "communauté européenne de l'énergie".
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Controverses en Allemagne... Très vite après le drame de Fukushima en 2011, Angela Merkel avait annoncé la sortie allemande du nucléaire à l'horizon 2020. Restait à trouver comment. Ça peut être via le gaz de schiste, mais à deux conditions : une validation par une étude d’impact sur l’environnement et une interdiction totale sur les sites riches en eau potable. Un petit "oui" qui s'explique par un enjeu relatif : l'Allemagne ne compte "que" 226 milliards de mètres cubes de réserves potentielles, selon le rapport de l'AIE, bien loin de la Pologne et de la France.
... Et en Europe. En janvier dernier, Sandrine Bélier, députée européenne (EELV) dénonçait les chiffres avancés par l'AIE. "Les capacités sont surévaluées. On a pu le constater en Pologne, c'était une solution miracle pour assurer l'indépendance énergétique. On voyait même les capacités d'exportation comme les Etats-Unis. En réalité, quand on a commencé à forer, on s'est rendu compte qu'il y avait dix fois moins de capacités", affirmait-t-elle sur Arte. "Je n'y vois que peu d'avantages, si ce n'est que sur le très, très court terme", ajoutait-elle.