Déjà critiquées pour leur fonctionnement et leurs erreurs passées, les agences de notation se retrouvent à nouveau pointées du doigt, après que l’agence Moody’s a abaissé mardi la note du Portugal. L’Europe hausse le ton et prépare la riposte.
Portugal, l’avertissement de trop
En reléguant mardi soir la note du Portugal en catégorie spéculative, Moody's a désigné le pays comme nouveau maillon faible de la zone euro. L'agence de notation estime notamment que Lisbonne pourrait avoir besoin d'un deuxième plan d'aide.
Cette décision a suscité l'ire des Européens, alors que le Portugal montre des gages de bonne volonté et a présenté la semaine passée un plan d'austérité jugé ambitieux. Mais l’avis des agences est décisif et influence la plupart des investisseurs.
La seule alerte envoyée par Moody’s a ainsi suffi à provoquer la panique parmi les financiers : sur le marché de la dette, les taux exigés du Portugal ont atteint de nouveaux records, à près de 12%, enfonçant un peu plus le pays dans la crise.
Pas infaillibles mais toutes-puissantes
"Cet épisode malheureux soulève une fois de plus la question du comportement des agences de notation et de leur soi-disante clairvoyance", a ainsi réagi le porte-parole de la Commission européenne pour les questions économiques, Amadeu Altafaj.
Acteur incontournable des marchés financiers, les agences ne sont en effet pas exemptes de tout reproche. Leur mode de fonctionnement pose problème : elles sont payées par les entreprises qu’elles doivent évaluer, favorisant ainsi les mélanges de genre. Ce fut le cas dans l’affaire Enron, entreprise jugée saine par les agences quelques jours avant de faire faillite.
Leurs analyses n’ont également pas permis d’anticiper la crise des subprimes. Elles ont même favorisé leur développement et le comportement moutonnier des financiers, qui se sont rués sur ces investissements risqués, avant de tous les fuir en même temps. Quant aux notes données aux États, elles sont, elles aussi, l’objet d’un vif débat, d’autant qu’elles peuvent enfoncer un pays dans la crise en l’espace de quelques heures.
Vers la création d’une agence européenne ?
Après l’affaire portugaise, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a donc déclaré qu'il fallait "briser l'oligopole des agences de notation" et "limiter leur influence". Le président de l'exécutif européen, José Manuel Barroso, a été plus loin en se prononçant indirectement pour la création d'une agence de notation basée en Europe.
"C'est au marché qu'il appartient de décider", mais "il me semble étrange qu'il n'y ait pas une seule agence venant d'Europe", a-t-il indiqué, accusant celles qui ont aujourd'hui pignon sur rue d'avoir "un parti pris" contre l'Europe.
Accusées de faire la loi sur la planète financière mondiale, les trois grandes agences de notation sont en effet toutes anglo-saxonnes : Moody's, Standard and Poor's et Fitch, qui appartient toutefois à un groupe français, Fimalac.