C'est l'aboutissement d'un long processus. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert a dévoilé mercredi à l'issue du Conseil des ministres le contenu du "projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable", plus de six mois après le lancement des États généraux de l'alimentation. Cette loi "constitue une révolution pour le monde agricole et alimentaire. Elle va permettre aux agriculteurs de mieux vivre de leur travail", a expliqué le ministre de l'Agriculture.
Pour bâtir les 17 articles de ce texte (qui doit être promulgué partiellement par ordonnance), le gouvernement s'est appuyé sur les conclusions des 14 ateliers menés jusqu'en décembre et qui ont réuni producteurs, distributeurs et consommateurs. Au menu : encadrement des rabais en grande surface, inversion des prix d'achat aux producteurs et promotion d'une agriculture durable et respectueuse de l'environnement.
Plus de pouvoir pour les producteurs
L'objectif fixé par Emmanuel Macron était clair : les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur travail. Pour tenir cet engagement, le projet de loi mise sur une mesure forte : l'inversion de la construction des prix. Actuellement, les contrats passés entre distributeurs (ou transformateurs) et producteurs sont à l'avantage des premiers puisqu'ils posent comme base de négociation leur prix visé de revente. Le gouvernement veut revoir complètement ce système en instaurant une nouvelle formule partant des coûts de production des producteurs. Le texte prévoit ainsi l'introduction dans les négociations d'indices de marché et des coûts de revient des agriculteurs.
Dans la même logique de favoriser les producteurs, la notion de prix "abusivement bas" inscrite dans le Code du Commerce sera redéfinie avec plus de précision. Au lieu de se limiter au seul prix de vente, elle prendra en compte la capacité ou non de rémunérer équitablement l'agriculteur en amont.
Fin des promotions chocs
Moins d'une semaine après les "émeutes" observées dans plusieurs grandes surfaces à cause d'une promotion de 70% sur le Nutella, le projet de loi compte mettre fin à ces pratiques qui tirent les prix vers le bas et lèsent en bout de chaîne les producteurs. Désormais, les rabais seront limités à 34% des volumes et 25% des prix de référence. Autrement dit, fini les opérations de type "un produit acheté = un offert" et les promotions monstres de 50% ou 70%.
En plus de cette mesure, le projet de loi prévoit une augmentation de 10% du seuil de revente à perte des distributeurs, c’est-à-dire le prix en dessous duquel une enseigne ne peut pas commercialiser un produit. Concrètement, le calcul du prix d'achat devra désormais intégrer les frais de distribution. Relever ainsi le seuil aura deux effets : payer plus cher les produits aux fournisseurs et aux agriculteurs et augmenter la marge des distributeurs tout en tenant compte de leurs frais. Toutefois, cela se traduira pas une légère augmentation des prix pour les consommateurs.
Une restauration collective durable
Outre les producteurs et des distributeurs, les consommateurs aussi sont directement concernés par le projet de loi. En effet, le gouvernement esquisse dans le texte les contours d'un changement de paradigme dans les habitudes alimentaires des Français, d'abord à travers la restauration collective. Les cantines scolaires, restaurants d'entreprises ou d'université, et autres réfectoires d’hôpitaux et de maisons de retraite devront proposer 20% de produits issus de l'agriculture biologique et 50% de produits sous labels de qualité d'ici à 2022. Les obligations de lutte contre le gaspillage alimentaire seront également étendues au secteur de la restauration collective.
Une agriculture respectueuse de l'environnement
Deux mesures visant à promouvoir une agriculture durable se sont glissées dans le projet de loi. D'abord, la vente des produits phytosanitaires sera plus encadrée. Alors que l'emploi du glyphosate continue de faire débat, le gouvernement veut rendre les produits du type Roundup moins intéressants, en interdisant les rabais et les promotions. Par ailleurs, les activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques seront séparées.
Autre décision importante prise par l'exécutif : le délit de maltraitance des animaux, déjà en vigueur pour les compagnons domestiques, sera étendu aux abattoirs et au transport d'animaux. De manière générale, les mauvais traitements dans l'industrie alimentaire seront passibles d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende.