A partir de samedi, des centaines de milliers de visiteurs vont se masser au Parc des Expositions à Paris pour la 55ème édition du Salon de l’Agriculture. Dans les allées, entre les vaches et les poules, certains pourront s’étonner de trouver des stands de start-up vantant les mérites de drones, d’applications, de capteurs et autres GPS sophistiqués. Des nouvelles technologies que les agriculteurs s’approprient progressivement dans leurs "fermes connectées". Dans un contexte agricole tendu, le numérique se conçoit comme une solution globale.
Technologies variées. "Le numérique ne peut pas résoudre seul tous les maux de l’agriculture française. Mais il a un rôle à jouer car il permet de d’augmenter la compétitivité des exploitations et la marge des producteurs et de diminuer l’impact environnemental", assure Florian Breton, vice-président de La Ferme Digitale, association qui regroupe une vingtaine de start-up de l’"AgTech". Satellites qui cartographient les champs, drones qui les survolent, antennes météo très précises, capteurs qui prennent littéralement le pouls des animaux mais aussi plateformes de financement participatif dédiées et sites Internet mutualisés : les innovations sont nombreuses et concernent aujourd'hui une exploitation sur cinq.
Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, produit des céréales et élève des vaches dans l’Oise. Le numérique fait partie intégrante de son métier depuis plusieurs années. "Sur mon exploitation, ça fait sept ans qu’on travaille au GPS pour les semis. Grâce à un capteur sur le toit, on n’a plus à tenir le volant du tracteur, il avance tout seul. Maintenant, la précision de l’ensemencement atteint deux centimètres, c’est incroyable", explique celui qui est aussi responsable du mouvement AgriDemain.
Un coût… et un gain. En quelques années, la ferme de Luc Smessaert est devenue un véritable concentré de nouvelles technologies. En plus du capteur GPS sur son tracteur, il utilise les cartographies satellite d’Airbus et d’EADS afin de "déterminer la bonne dose d’azote à utiliser à tel ou tel endroit et éviter un épandage uniforme qui manque de précision". Il s’est également doté d’un robot pour la traite des vaches. "Ça change la vie ! On n’a plus besoin d’assister à la traite matin et soir. Il faut rester d’astreinte au cas où mais quand il y a une panne, on est prévenu par SMS", détaille l’éleveur. "C’est aussi bénéfique aux animaux. Les vaches sont plus calmes et produisent un lait de meilleure qualité en plus grande quantité." Vaches qui sont par ailleurs équipées de capteurs qui recueillent tout un tas de données en permanence.
Toutes ces innovations ont "un coût" et cela "peut être un frein", reconnaît Luc Smessaert. Mais le retour sur investissement vaut le coup, à ses yeux : "Toutes les innovations que j’ai mis en place amènent un gain. Ça m’a permis de réduire de 14% mon utilisation de carburant et je ne double plus les doses de produits phytosanitaires sur les croisements de parcelles", souligne l’agriculteur, avant de préciser : "C’est un gain pour l’environnement et pour le porte-monnaie".
Intérêt relatif. Autre technologie étonnante, les drones agricoles ont multiplié ces dernières années les survols au-dessus des champs français. Équipés de caméra infrarouge, ils produisent des cartographies du terrain en fonction des besoins des plantes en eau et en engrais. Des données de haute précision qui ont un impact positif pour les producteurs céréaliers. Une étude menée dans l’ouest de la France par la coopérative OCEALIA a montré que les grains traités suite à une analyse par drone sont plus riches en protéines. Le rendement des récoltes concernées a augmenté de 10% en 2015 et la marge des exploitants a grimpé de 320 euros par hectare sur trois ans.
" Les technologies doivent être au service des hommes et des femmes "
La portée du drone doit malgré tout être relativisée. Airinov, leader du marché des drones agricoles, revendique aujourd’hui quelque 8.000 clients, à peine 2% des 450.000 exploitations de l’Hexagone. Par ailleurs, les engins volants ne sont pas une solution miracle. "Le potentiel du drone est pertinent jusqu’au dernier moment. Mais si derrière la météo détériore la floraison et la qualité des grains, alors le travail réalisé en amont est rendu caduc", admet Michaël Godiet, céréalier qui utilise un drone depuis quatre ans. "Demain, on n’aura pas un drone par exploitation, on sera plus sur une utilisation mutualisée sur une zone délimitée", tempère de son côté Luc Smessaert, sceptique.
"Pas faire du numérique pour faire du numérique". Reste la question de la formation des agriculteurs à ces nouvelles technologies. "Il y en a qui sont très branchés numérique mais d’autres ont besoin d’être accompagnés", souligne Yann Lesouef, patron de Ma Ferme Connectée, une jeune entreprise qui accompagne les agriculteurs dans la création de leur propre site web. "La FNSEA s’est dotée il y a une vingtaine d’années d’un fonds de formation assez important. Chaque année, on a droit à trois ou quatre jours pour se former sur différents sujets, notamment le numérique", complète Luc Smessaert.
Promouvoir et former, c’est la mission que s’est donnée La France Digitale. "Il faut être joignable 7j/7j et s’adapter aux contraintes des agriculteurs. Après, il faut savoir qu’ils aiment bien s’identifier à leurs pairs. Il suffit qu’un producteur d’une coopérative se forme auprès des techniciens pour qu’ensuite ses collègues s’y mettent", affirme Florian Breton. Ce qui fait dire au vice-président de la FNSEA que "l’attrait des start-up est une chance". La France n’est pas en retard sur l'AgTech, loin de là. Je suis persuadé que ça crée de la valeur et que ça permet de maintenir des exploitations familiales", se réjouit Luc Smessaert.
Confiant, il conclut sur un guide des bonnes pratiques de la ferme connectée : "Il ne faut pas faire du numérique pour faire du numérique. Les technologies doivent être au service des hommes et des femmes, assurer un meilleur revenu aux agriculteurs et une alimentation de qualité pour les consommateurs".